On dit en Colombie que, lors d’un voyage, « Le Corps arrive avant l’Esprit ». Alors on se réveille depuis trois jours déjà et on se demande toujours chaque matin où on est !
Et là, qu’est-ce qu’il est bon de se refaire le film et de se dire « C’est l’Expe qui commence ! »
Pour tous les grands aventuriers de plein air que nous sommes, portés par notre grand esprit de curiosité, d’exploit certainement et de conquêtes, l’Expe est le rêve ultime. Il suffit de prononcer le mot et dès lors nous sommes transportés vers des paysages fantastiques, grandioses, bien au-delà de ce qu’on aurait vécu jusqu’à présent. Et surtout, nous serrons les premiers à les trouver !
Depuis plus d’un an déjà nous pensons à organiser notre Expe que nous baptisons « Canyon y Machete » mais elle prend forme depuis seulement quelques semaines, quand enfin libres de nos devoirs respectifs, nous nous attelons gaiement aux préparatifs, aux vrais, sans rien faire dans le bon sens, ni dans les temps. Mais c’est notre première, on a le droit de tâtonner encore, pour en rire plus tard. Nous nous jetons à corps perdus, à bout de souffle parfois, dans une course aux préparatifs effrénée où, outre les usuels du voyages : passeport, permis, assurance, vaccins, visa s’ajoutent ceux de l’Expé : le matériel, combien de kilos, quelle compagnie, quel budget, qui contacter, qui pour nous aider, combien de fonds propres, quels livres, quels appareils et plus techniquement encore : priorité aux forêts de 12 ou de 10 ? Le téléphone, le GPS ? La Catadyne ? Le disque dur ? Scellement ou goujons ? Ou alors vis Multimonti ? Tu crois que du 6 ça tient ? Même dans du Basalte ? Et si on achetait une 3ème batterie pour le perfo (oui mais c’est 200€) ? Corde de 100m ou de 70m ? Plaquettes Fixe ou rondelles ? Dyneema (excessivement chère) ou maillons (trop lourds) ?
Au final on tranche et on finit sans sponsor pour nous épauler au début, avec 4 valises de 32kg, 2 valises de 23kg et 2 sacs de 10kg dans lequel un seul des deux contient l’intégralité de nos effets personnels. Tout le reste va à l’Expé. Heureusement que Jérome et Monica sont là, avec leurs encouragements et leur sourire, pour nous coacher et nous rassurer : bien sûr qu’on va réussir !
Alors voyons, nous ne sommes pas trop de deux pour porter, tirer, hisser tout ça à bord du bus, puis du train, puis du Doblo de Manel et en haut du 3eme étage dans son appartement à Barcelone. Et le lendemain re-train, puis métro, puis caddie, puis navette qui nous mène enfin à l’avion.
Ah mais j’oubliais ! Forcément le jour J nous trépignons en attendant de recevoir la dernière commande, forcément la plus importante, promise en temps et en heure : l’intégralité de la résine promise pour fixer les amarrages brochés. Sans cette résine, pas d’équipement « aux normes » pour les canyons que nous souhaitons commercialiser. Et Les 140 relais brochés qui remplissent un sac à eux tous seuls quasiment ne servent à rien. Bien entendu, pour les joies des dernières minutes, elle n’arrive pas.
Nous avons tenté la dernière chance à Barcelone, à quelques heures du décollage, de faire les dernières boutiques de montagne possible accompagné par notre héros de la spéléo Manel. Nous nous en sortons avec l’équivalent de 20 résines à un prix exorbitant, les seules de Barcelone, autant dire que le moral tombe bien bas. Que faire si nous ne pouvons pas installer l’équipement prévu ?
A l’aéroport les rebondissements vont de bon train. Contrairement à ce que nous avions lu et vérifié à maintes reprises sur le site de notre chère compagnie Colombienne Avianca, si un passager se présente avec plus de deux bagages, ou des bagages qui pèsent plus de 23kg, il est possible de voyager, … mais il faut PAYER. Ouf, on peut prendre tous nos bagages, par contre la note est salée pour affréter cette brave cargaison : au bas mot 540€. Merci Fredo pour la CB passe partout …
Outre ces « détails » nous faisons bon vol, Juan Pablo vient nous chercher à l’aéroport et l’atterrissage dans la vie Colombienne se fait petit à petit pour moi, qui retrouve mes sources sur ces terres latines où j’ai vécu plus de deux ans, et brusquement pour Fredo qui n’avait jamais traversé l’Atlantique. Je me souviens alors du changement que j’avais vécu alors et qu’il vit en ce moment : du bruit partout, des bruits méconnaissables et agressifs au début, de la musique omniprésente, des animaux qui vadrouillent, des gens à mobylettes, des voitures qui doublent à droite, des magasins de bric et de broc sous des panneaux publicitaires prônant des valeurs démesurément opposées à la vie où ils ont été plantés. Et puis de l’espagnol où on ne pige pas un mot, une fatigue indescriptible, une chaleur moite et envahissante, un peuple souriant et accueillant, et une exquise nourriture qui ne ressemble en rien à la nôtre. Fini les cafés croissant ! Fini la vie en noir et blanc, grise, triste, monotone, fini le pessimisme, les manières, la discipline et bienvenu dans un monde tourbillonnant et coloré !
Estela nous accueille dans sa jolie petite maison de plein pied, avec un délicieux patio lumineux et une belle pièce à vivre pleine de fauteuils, bancs et sièges pour recevoir qui veut venir. Elle est située dans un quartier calme de la ville de Cartago. J’ignore quelle idée reçu a pu me laisser penser qu’il s’agissait d’un village, Cartago compte 130 000 habitants. Pour nous Français c’est énorme, pour eux c’est « normal ».
Voici que nos corps arrivés depuis deux jours déjà se délectent de ce délicieux petit déjeuner pris à 6h du matin, avec le jour qui se lève : arepas (galettes de maïs) coiffées d’un œuf sur le plat, galletas (biscuits salés) à tartiner de fromage frais et cacao à l’eau chaude. Mmmh