Notre binôme va de bon train et se soude au-fur-et-à-mesure des péripéties, autant que je noirci mes cahiers de notes, de plans, de coupes, de contacts et d’anecdotes !
Ce matin la pluie est plus torrentielle que jamais. Avec humour Carlos, notre nouvel ami, souligne qu’il n’y a rien de plus fiable que la météo colombienne !
A court d’argent liquide, ce dimanche 27 novembre sera notre dernier jour à Salento et il faut faire un choix : Quelle cascade allons-nous privilégier ? Il en reste trois. Celle du Bosque de Niebla est un peu loin, on la laisse de côté. La petite sur le bord de la route à l’air un peu difficile d’accès, dans cette pluie c’est le ventre-glisse assuré, on remettra ça pour les beaux jours. Allons donc voir la mystérieuse cascade de la Finca La Palmera (nos parcours sont toujours sur les propriétés des fermes, à qui nous demandons toujours poliment l’accès). Cette cascade est introuvable sur internet, c’est un homme du CRQ, une institution gouvernementale colombienne pour l’écologie qui nous l’a recommandé. Etant donné qu’il s’agit de son secteur, et de son métier, nous lui faisons confiance et gagnés par la curiosité, nous sommes de retour dans la Vallée du Cocora, sur la piste d’accès à la Finca la Palmera, où nous tombons nez à nez avec Carlos et sa compagne.
Je ne sais pas combien de rencontres nous faisons par jour mais se sont toujours autant de sourires et d’entraide dont nous nous émerveillons ! Carlos, né dans la vallée, est propriétaire de la Finca et se délecte à emmener les touristes faire un tour à cheval sur ses terres jusqu’aux eaux d’Aguas Claras, le cours d’eau prometteur, son petit coin de paradis.
Il est cependant bien étonné de notre requête.
-« Vous pouvez passer sans problème, mais de mes 40ans de vie ici, je n’ai jamais vu de cascade dans Aguas Claras ».
Tiens donc, voilà un mauvais présage. Nous commençons à discuter, Carlos est curieux de nous connaître, nous et notre exaltant projet de recherche de cascades ! Les grosses gouttes commencent à tomber bien plus tôt que d’habitude. On a beau avoir fait la grasse mat (c’est dimanche) et déjeuné un peu tard, il est 11h et déjà la pluie s’y remet de plus belle, après être tombée toute la nuit en goutte à goutte à travers la tôle de chez Pablo, direct sur le duvet de Fredo qui dormait dans le lit du haut !
Nous voilà devant un bon café chaud chez Carlos, qui nous propose gentiment un bocadillo, un sandwich. Etonnée qu’il nous fasse telle proposition si tôt dans la matinée, et sortant de table je le refuse poliment, à grand regret! Fred, dans l’incompréhension n’en prends pas non plus, la bouche pleine de salive ! Mon ignorance des modismos locaux a fait que j’ai pris le bocadillo pour un sandwich, comme le désignent les Espagnols. Mais quand je vois Carlos mettre à sa bouche une délicieuse petite pâte de goyave fourrée au fromage, je me rends compte que, de toute évidence, ils ne font pas référence au même produit !
Au-fur-et-à-mesure de nos récits, le sentiment de l’explorateur qui sommeille en Carlos se réveille, ses yeux brillent, sa compagne nous écoute d’un intérêt aussi vif, et deux heures passent sans que la pluie ne s’arrête et nous parlons. Carlos est propriétaire de magnifiques chevaux blancs tachetés, comme ceux que montaient les Apaches. Nous voyons rapidement une alliance à former pour organiser notre tour Canyon à Cheval et nous concluons, tout compte fait, de revenir pour remonter ensemble la quebrada de Aguas Claras et trouver ces cascades, s’il y en a. Quelle belle rencontre !
Nous abandonnons tout projet de reconnaissance de canyon pour ce jour, les conditions sont trop mauvaises. Mieux vaut profiter de ce temps pour aller flâner dans la rue commerçante de Salento. L’âme de gros touriste revient au galop ! Ils vendent quand même de sacré bons produits, notamment cet arequipe, mmmh, un délice ! Une confiture de lait, nous avons pris « con maracuya », au fruit de la passion. Je m’imagine déjà demain matin le tartiner sur mes galletas !
Nous quittons Salento, avec la promesse d’emmener nos nouveaux amis de la finca, et le couple du café du matin, dès que nous reviendrons équiper ces courses ! Alors en route, commentant de nos nouvelles amitiés, Fredo, au volant du Toy, nous lâche : « L’aventure commence ! ». Il ne pouvait pas mieux dire ! Notre brave Toyota roule à l’essence ou au gaz. Notre plein d’essence est plus cher que celui du gaz mais il fonctionne mieux. Nous partons à l’essence et, une fois le gaz plein (il n’y a pas beaucoup de station de gaz il faut prévoir) nous changeons de combustible. Tout va bien jusqu’à une dizaine de kilomètres plus loin où le Toyota cale dans une côte en plein centre-ville, au milieu de la foule en délire qui défile pour célébrer le succès du dernier match de foot. Je n’ai pas manqué de participants pour pousser le gros Toyota dans la descente, les policiers nous ont même fait un barrage, mais dans la descente il ne se rallume pas, et nous callons dans un quartier bidonville un peu plus bas.
La situation est devenue d’un coup beaucoup plus gênante. Comment aller demander à ces pauvres gens de nous dépanner la batterie quand eux même n’ont pas de voiture. Tout le quartier débarque pour voir la Toyota en panne qui ne redémarre pas, plein de matériel « bizarre » !
Je retrousse mes manches, et les participants affluent à nouveau dans la joie pour pousser le Toyota à contre sens, dans la côte de la route, pour l’élancer à nouveau. Ce coup-ci il prend, et nous avalons une bonne vingtaine de kilomètres. La nuit tombe rapidement, comme à son habitude. Nous sommes inquiets, le taco ralenti, il nous crache du lance-flamme, la dernière grande côte qui nous sépare de Cartago est interminable, nous roulons sans phares bloqués à 20km/h puis 10, puis le taco se mets à brouter comme une vache. Ça craint ! Aller ! Il faut au moins le ramener à Cartago ! Nos encouragements sont vains. Toutes sortes de moyen de locomotions nous doublent, personne n’est étonné de voir un véhicule en galère sans éclairages, et je remercie les colombiens d’être finalement, prudents sur la route : ils ne roulent pas beaucoup plus vite que 50km/h ou 60. Le dernier virage a été fatal, un coup d’explosion, un dernier soubresaut, et c’est l’extinction totale : il ne nous emmènera pas plus loin ! Ma foi il n’aura pas trouvé mieux pour tomber en rade : la finca d’en face vends des bonnes bières fraiches, l’indétrônable Joker, et les hommes du coin nous aident à pousser la carcasse devant chez eux. Nous voilà requinqués de la Joker, un taxi passe justement et nous ramène avec tous nos bardas à Cartago, qui n’était plus qu’à 4 km d’ici.
Décidément, c’est plus chaotique de rentrer avec le Toy que de débroussailler le chemin des cascades !
Vivement qu’on puisse vous le montrer bien beau, le moteur vrombissant, chargé de matos et de participants !
De retour à Cartago, il fait une chaleur étouffante. Les gens de la montagne parle toujours de la chaleur de Cartago, je comprends pourquoi, on est en nage!