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Prépare le perfo, on attaque les ouvertures !

Mmmh, alors ce brave Toy il nous a conduit à bon port ! Jusque-là, aucun problème ! Il y a juste eu un petit cafouillis sur l’itinéraire, ce qui nous a valu d’arriver à Salento depuis Cartago par la piste, une piste sans fin qui nous a secoué la paillasse, mais le Toy a tenu le coup, à grandes rasades tantôt d’essence tantôt de gaz, comme il aime ce goulu ! On partage la cavale avec vous !

Vous vous rappelez de Salento, petit village touristique, niché dans les montagnes de la Cordillère centrale, au pied du volcan du Tolima (5 215m), où nous sommes venus faire une semaine de repérage le mois dernier ? Idéalement, on aimerait bien y installer notre structure car c’est la région la plus touristiquement prospère du Triangle du café, la région où nous sommes. Voilà pourquoi nous nous harnachons à prospecter dans ce secteur ! On voudrait bien remplir notre brochure commerciale, trouver une perle, et nous faire plaisir !

La première journée d’arrivée n’était pas fort encourageante : il nous a fallu chercher un logement dans notre budget pour cette semaine. Qui dit « tourisme de masse » dit « prix en masse » aussi, démesuré par rapport au niveau de vie colombien. A force de toquer aux portes on a fini par trouver l’aubaine ! John Carlos, propriétaire d’un petit hôtel familial, nous a attitré une « cabaña », un petit appartement avec deux chambres, une cuisine (très important), deux salles de bain et même un petit patio privé sous les bananiers avec un point d’eau pour rincer et étendre notre matériel ! Si c’est pas le bon plan ça ! Pour $40 000 la nuit (13€). C’est un peu plus cher que le niveau de vie national mais pour Salento, nous sommes tout à fait satisfaits ! Si bien qu’on fête notre arrivée dans un bar de caractère, El Tejadito, tout en bois, on aurait dit du mobilier d’époque. Les bâtisses sans fenêtre mais ouvertes sur la rue par de nombreuses portes en bois de la hauteur d’un cheval et son cavalier, le toit légèrement avancé sur des piliers, de la largeur du trottoir, pour mieux profiter des saisons de pluie. Toutes les bâtisses avoisinantes de cette petite rue arborent le même style architectural. Les petites tables carrés, polies par le temps meublent la pièce entourées de petits tabourets eux-mêmes en bois, parfois au dossier forgé, sur lesquels nous prenons place. Le sol de cette belle pièce de vie devait autrefois être du plancher ou de la terre battue. Aujourd’hui il est en pierre. L’ensemble n’étant éclairé qu’à la lueur des bougies, en trinquant dans ce décor nous entendions presque les conquistadors arriver, ou si c’était le début du siècle dernier, les arrieros, les personnes autrefois chargées de transporter les marchandises à dos de mule.

Dans l'ambiance du Tejadito, petit pub de Salento, on croirait entendre arriver les conquistadors !

13 décembre : Le faux Popal

Nous prévoyons ce jour d’aller explorer un travail de repérage inachevé par Jérôme. Je ne sais par quel esprit divin nous partons autant la fleur au fusil. Ce matin, nous nous voyons pousser des ailes. Nous pensons repérer l’entrée de ce cours d’eau, canyon potentiel, l’équiper et le descendre intégralement dans la même journée. Quel programme ambitieux ! Mais notre solide duo ne se démonte pas, au contraire nous nous encourageons et sélectionnons gaiment le lourd matériel nécessaire à l’ouverture de cette nouvelle course. Le premier problème se présente rapidement : n’étant que deux, nous avons à nous partager 40kg représentant : matériel personnel, matériel d’équipement (ancrages..), cordes, chaussures, perfos, caméras, pharmacie, eau et vivres. Nous solutionnons rapidement le problème en divisant équitablement la charge en deux. Nous quittons le Toy chargés de notre sac de 20kg chacun, chaussés de bottes en caoutchouc (anti serpents, on espère) et vêtu de notre pantalon polyvalent Aventure Verticale (contre les morsures, piqures, égratignures..). En avant ! Nous estimons une marche d’approche de 3h, avec un dénivelé d’approximativement 500m. Il est 9h quand nous quittons le point de départ à 1750m. Nous ne sommes pas vraiment en avance mais nous ne pensons pas courir après le temps non plus. Rapidement la chaleur nous étouffe, mais que se passe-t-il ? Ces pantalons super-résistants nous font bouillir comme une cocotte-minute ! Côté abrasif et coupe-vent nous n’avons rien à redire, mais côté respirant, c’est l’étuve et nous suons de grosses gouttes.

11h. Nous arrivons sur une crête surplombante, selon notre itinéraire, le point le plus haut se situerait entre 2200m et 2300m, nous pensons être dans cette fourchette. Bien que l’altimètre fasse des bons à cause des changements rapides de météo, nous essayons de trouver des repères, de le ré-étalonner régulièrement et de nous y fier avec précautions. A l’altitude à laquelle nous sommes, il ne reste donc plus qu’à suivre la courbe de niveau, passer un affluent et, dans notre logique, nous devrions tomber sur le cours d’eau voulu ! C’est cool, si on arrive à 11h30 on est dans les temps et on enchaine sur l’ouverture !

Tiens donc, 100m au-dessus de nous un chien nous aboie nous interdisant le passage. Sa gueule est d’un noir agressif mais certains signes trahissent sa gentillesse : il a les oreilles relevées et la queue qui gigote, il ne doit pas être bien méchant. On a d’ailleurs rencontré que des chiens aussi gentils que leurs propriétaires Colombiens ! Sauf une fois où, dans une ferme, un espèce de chien-veau de mon poids a voulu défendre son territoire et s’est jeté à vitesse éclair à l’attaque de mon épaule gauche, me bousculant à la renverse dans la talus. Quelle frousse !

Ce premier toutou bien plus aimable nous indique que nous sommes sur la propriété de quelqu’un. Aussi montons-nous nous signaler à la dite « Finca la Espagnola », une Finca isolée construite sur une colline. La balançoire en bois des enfants, attachée à la branche d’un magnifique goyavier, surplombe la vallée et le village de Salento, en face. Les chevaux broutent paisiblement. Une femme, Lala, derrière la cuisine extérieure, s’affaire à préparer le déjeuner au feu de bois. Les hommes arrivent tour à tour, derrière les chevaux ou portant des charges. Les enfants apparaissent ensuite et nous accueillent avec le gentil chien familial. Nous nous immisçons dans ce lieu plein de vie et de paisibilité pour demander la permission de passer sur leur propriété, comme il en est de politesse et de coutume, lorsque rapidement nous retrouvons assis sur le banc de la cuisine extérieure, un verre de limonade frais à la main (la limonade ici c’est du jus de fruit pressé mélangé à de la canne à sucre), à discuter avec Silvano, le patriarche, assis sur un rocher et adossé contre un pilier de la cuisine. Nous ne sommes décidément pas fâchés de recevoir ce généreux verre de limonade, de reprendre un peu notre souffle et notre température ambiante en partageant notre quête avec l’adorable couple propriétaire. Les odeurs du repas sont alléchantes, aussi nous acceptons puis dévorons les gamelles de soupe de lentille puis de riz et de bout de gras sans nous faire prier. La générosité ici hallucinante ! Plus hallucinant encore : Lala nous apprends que le cours d’eau que nous cherchons s’appelle Santa Rita, et se situe là-haut, derrière l’autre crête (à au moins 2500m d’altitude du coup, sauf si nous sommes perdus).

  • « Quoi ? Mais c’est impossible ! » affirmons-nous (on se prend pour qui ?) « Santa Rita c’est le cours d’eau en contre-bas de chez vous, nous le connaissons bien nous l’avons découvert déjà », et nous n’étions pas peu fiers !

  • « Cette quebrada en bas? Ce tout petit ruisseau ? Santa Rita est bien plus grosse ! » se moquent-ils gentiment

  • « Alors bon ! » répétons-nous, « Le cours d’eau que nous cherchons s’appelle Quebrada de Popal, il conflue avec Santa Rita, qui est juste ici », dis-je en pointant du doigt, le « ruisseau ». Nous sommes vraiment idiots d’insister ! Mais nous étions tellement sûrs de nous avec les cartes. « Popal,… » je me lève et pointe du doigt : « est donc juste de l’autre côté de chez vous ».

  • « Popal ? Jamais entendu parler » conclu Silvano.

Les gamelles vidées et après un dernier gros verre de limonade, nous partons reprendre notre parcours du combattant : passer sous les grillages, sauter les barrières des fermes, déjouer la garde des chiens, contourner les troupeaux, demander notre chemin aux paysans, se rouler dans la boue ou dans la bouse (involontaire !), nous dégueulasser jusqu’au cou, nous décharger puis nous charger de ces sacs. Chemin faisant, nous suivons aveuglément les indications de Silvano pour nous mener jusqu’à la rivière de « Popal », osons-nous encore penser.

  • « Dis Fred quand même ils sont d’ici, ils connaissent les chemins par cœur » commençais-je enfin à reconnaitre. Ils se sont d’ailleurs moqués de nouveau de nous parce que nous avons mis presque trois heures à monter alors qu’eux mettent une heure seulement, soulignant au passage le méga détour qu’on a fait…

  • « Oui, je sais, je pensais exactement à la même chose que toi » me réponds Fred, dont les pensées sont régulièrement synchronisées au miennes, et vice-versa.

Nous nous sommes alors remis en question. Ils sont d’ici donc ils ont raison. Les cartes ne mentent pas non plus. Le petit affluent que nous avons découvert et qui, selon notre interprétation des cartes, était la Quebrada de Santa Rita, n’est qu’en fait d’un affluent. On tombe des nues ! Ça veut dire deux choses : la vrai Santa Rita doit avoir un gros débit, puisqu’il collecte tous ces affluents. La vrai Popal juste après aussi, et la confluence doit donc faire exactement le double ! C’est plus d’eau que prévu. Qui plus est, n’étant plus du coup au bon endroit de la carte comme nous pensions, il nous faut faire un détour imprévu pour arriver à notre rivière, et monter plus haut en altitude. Le tout nous rajoute 1h30 de marche dans la gadoue des champs plein d’eau et de bouses (je suis trop contente d’être en bottes !). Nous continuons en bénissant Lala de nous avoir redonné cette bonne dose d’énergie. L’heure tourne. Je cadence le pas alors que Fred s’arrête pour soulager ses épaules des sangles du sac.

  • « Ça sert à rien de courir, tu vois ce que je veux dire »

  • « Ah non mais ça m’énerve allez il faut y croire, on y va », je m’entête comme une mule, je ne veux pas abandonner même s’il faut faire face à la réalité.

  • « Anaïs tu sais qu’il va être trop tard pour se mettre dans le canyon »

  • « Mais non, allez stp, on n’a pas fait tout ce chemin POUR RIEN ? »

Je déteste abandonner. Fred a raison, il faut être réaliste. On va pas entrer dans un canyon qui fait le double de longueur que prévu, avec beaucoup plus d’eau, fatigués comme nous le sommes déjà.

Mais je repense aux paroles de Silvano :

  • « Silvano, et toi tu sais s’il y a des cascades dans ce « Santa Rita » ? »

  • « Ah ça oui, il y en a, et des belles en plus ! Des grandes ! »

De quoi vous rebooster pour y passer la nuit s’il le faut !

Accablés. La décision est dure à prendre, mais parfois, il faut savoir renoncer

Les oiseaux chantent à tue-tête, le terrain devient tourbeux au possible, des dizaines de minuscules cours d’eau apparaissent tour à tour puis se rejoignent en petit ruisseaux. Nous sommes à la source de Santa Rita, c’est là que nait la rivière. C’est vraiment étonnant de voir comment la végétation restitue l’eau pour former les rivières ici. Au milieu de nulle part, loin du sommet de la montagne, une rivière nait de cette multitude de petites sources. Les oiseaux cessent brusquement de chanter, un calme plat nous fait nous arrêter et nous regarder, étonnés. Nous percevons un brouahah au loin, comme si une vague de crue arrivait dans une rivière, le bruit s’approche, et soudainement un gros rideau de pluie tropicale s’abat sur nous. Il ne faut pas plus d’une minute pour que nous soyons trempés jusqu’aux os. Vu le bassin versant de cette rivière, je ne suis effectivement pas fâchée de ne pas y être avec le perfo, en galère… Je me rends enfin à l’évidence, bien après Fred, qu’il nous faut rebrousser chemin. Rien qu’à l’idée de penser à tout ce que nous avons fait, je suis presque tentée de dormir dans la forêt.

Il est 14h. Allez, on se remotive, on change de sujet, et on retourne jusqu’à La Finca La Espagnola. Les enfants sont ravis de nous revoir, ils veulent nous aider à porter nos sacs, largement aussi lourds qu’eux ! Lala nous accueille avec son grand sourire. Au plus grand bonheur de Fred, c’est l’heure du goûter ! Lala nous tends une bonne tasse chaude d’aguapanela (jus de canne à sucre) alors que nous grelottons dans nos t-shirts trempés. Et ses petits beignets sont un délice !

  • « Vous n’avez qu’à dormir ici et demain, à l’aube, vous partez chercher votre rivière ! »

C’est hyper tentant, mais on s’est déjà engagés avec des amis pour faire l’ouverture de l’ancienne Santa Rita que nous renommons alors plus justement « Quebrada La Espagnola ». Après tout, c’est leur cours d’eau !

  • « Alors vous n’avez qu’à redescendre par le chemin de l’école » nous conseille Lala.

Bilan du plan de recherche "Santa Rita"

Le chemin de l’école c’est le chemin que font les enfants pour aller à l’école à Boquia, pas loin de là où nous avons laissé le Toy. Ils mettent 45min chaque jour pour descendre en courant, et un peu plus d’une heure pour remonter au retour. Je les imagine partir le matin en costume, avec leur cartable, tous propres et arriver à l’école essoufflés mais joyeux, de la boue jusqu’aux oreilles ! Ils ont l’air tellement heureux dans cette finca ces enfants ! Ça aide d’être du pays pour trouver les chemins ! Nous redescendons effectivement par la sente qu’ils ont tracée à force de passage. Nous sommes fatigués, les sacs pèsent une tonne, mais nous mettons moins de temps et de distance qu’en refaisant tout le tour. Dire qu’à l’aller nous avons mis 2h30 pour arriver jusqu’à la finca !

Nous rejoignons le Toy de nuit, bien contents à l’idée du bon gros lit douillet et du calme qui nous attends chez John Carlos. Cette cabaña est vraiment reposante ! Une soupe, une douche, un lit… Je me dis que si on ne passe pas une nuit imprévue dehors, c’est que nous sommes de vrais explorateurs ! Sinon, c’est qu’il y a eu, à un moment donné, un problème de calcul ! Des Français partagent la cabaña avec nous ce soir. Ils sont d’une gentillesse et d’un partage peu commun. Mais nous sommes trop fatigués pour faire la conversation, et nous affalons sur les lits dans un sommeil profond. Avant de m’endormir un message arrive : « Nous espérons que vous êtes bien arrivés. Vous êtes à la Finca chez vous, nous vous accueillons avec grand plaisir. Lola y Silvano »

La Finca la Espagnola règne, paisible, sur cet horizon de toute beauté

14 décembre : L’interminable Cruz Gorda

Nous nous réveillons les corps meurtris. On a l’impression qu’on nous a roulé dessus au rouleau compresseur ! Et on est faaatigués ! Nous avons mal aux épaules et aux hanches à cause des sangles du sac. Mais une nouvelle journée commence ! Finalement les plans ont changé, on fera l’ouverture de la Quebrada La Espagnola demain, les amis que nous voulions emmener ne peuvent plus venir. Les plans d’explo ne manquent pas pour réorganiser la journée, et je suis bien tentée depuis la dernière semaine que nous avions passé à Salento d’aller explorer l’intégralité de Cruz Gorda, la cascade de la Finca El Cairo. Mais mon binôme ne le voit pas du même œil !

  • « Fred, ça te dis qu’on descende Cruz Gorda aujourd’hui ? ». Nous avions été repéré ce cours d’eau une fin d’après-midi en jean. La roche de la cascade finale, d’une quinzaine de mètres, nous encourageait à aller voir au-dessus. En grimpant nous avions trouvé trois cascades supplémentaires mais en remontant le cours d’eau sur un bon kilomètre, nous espoirs sont retombés comme un soufflé : il ne se passait plus rien. Qui plus est, la nuit tombant, en jean trempés, nous avions dû nous résoudre à faire demi-tour.

  • « Si tu veux on reviendra voir ce qu’il y a un autre jour, mais là la nuit tombe, on est trempés et on n’a pas les frontales » m’avais dit Fred alors, en rebroussant chemin.

  • « Pff tu parles y’a même pas besoin de revenir, ce cours d’eau est tout plat je suis dégoutée » pestais-je.

Mais c’était avant d’avoir les cartes d’Augustin Codazzi et les images satellites d’Apple ! Ce matin-là, je partage mes calculs à voix haute pour prouver par A+B que ce cours d’eau a forcément du potentiel !

  • « Fred, si on monte par cette piste, et qu’on se met dans le cours d’eau par cet affluent ici, nous serons à 2500m. La dernière cascade est à 1900m, ce qui fait exactement 600m de dénivelé et 4km de rivière. Pas besoin de calculer le pourcentage de pente pour savoir qu’il est impossible que la rivière soit plate tout du long ! »

  • « Non mais franchement, j’y crois pas. Tu ne veux pas aller repérer la petite cascade plutôt ? Au moins on est sûrs qu’il y a quelque chose. » me réponds-t-il, pragmatique.

  • « Mais alleeez, stp, t’avais dit qu’on pouvait y revenir pour voir ce qu’il y avait, je meurs d’intrigue, il faut aller voir ! » insistais-je en jouant sur les promesses cette fois-ci.

  • « Bon Ok », se résigne-t-il, « mais attends toi à faire une rando aqua » cède-t-il.

Sur ce, ça me vexe un peu, mais je suis sûre qu’il doit y avoir quelque chose ! Ce n’est pas possible autrement !

Nous chargeons le Toy, organisons une navette avec la moto de Uva, qui nous a rejoint de bon matin, avisons le personnel de la Finca de cette réserve que nous allons sortir par la propriété du directeur absent et prenons la piste avec le Toy. Selon mes calculs, nous allons monter pendant 7/8 km par cette piste jusqu’à atteindre une épingle à cheveux avec une Finca dite « La Alegria », et là la piste reste à niveau. C’est là qu’il faudra se garer. Mais le Toy nous lâche en pleine côte, plus d’accélérateur ! J’y crois pas ! Encore heureux que Fred nous montre des talents de mécano !

  • « Ça y est, je sais ! Cette pièce qui actionne cette tige métallique, qui rentre dans cette plaquette. Ah mais voilà, elle est sortie de la plaquette. T’as pas une multi pour resserrer tout ça ? »

  • « Oh non ! J’ai pensé à la prendre mais je l’ai laissé à la cabaña ! »

Et là coup de bol, un pick-up qui montait ses clients pour faire du VTT de descente (très populaire ici, ça nous tente vachement d’ailleurs !) s’arrête avec une mallette pleine de clés de toutes les tailles ! Si c’est pas le signe du destin ça !

Si tôt garés, si tôt dans l’affluent qui, nous pensons, nous mène droit vers Cruz Gorda, le cours d’eau qui nous intéresse. Il est bien petit cet affluent et, par manque de débit, la végétation en profite pour le recouvrir. Fred entame la cérémonie à coups de machette et nous progressons dans le cours d’eau une bonne demi-heure, quand apparait une sente sur la droite. Nous nous concertons et choisissons, ensemble de prendre cette sente dégagée pour gagner un peu de temps. Dans l’affluent nous progressions trop lentement et, étant encore à la source, il est peu probable que nous loupions quelque chose d’intéressant ! Nous gagnons une bonne heure à passer par cette sente et gagnons aussi en altitude sur la crête de ce petit mont, reforesté par une forêt de pins, pas du tout endémique du coin. D’ailleurs la forêt tropicale perd de son charme avec tous ces pins : les aiguilles qui tombent forment un lit étouffant, privant quelconque végétation de pousser. C’est un ravage pour les forêts tropicales mais les entreprises de papier, à force de pot de vins, arrivent à leurs fins, en se fichant complètement de l’écosystème. Nous nous perdons dans ce débat quand un brouhaha s’entend de plus en plus fort à notre côté gauche, alors que nous nous attendions à ce que l’affluent se jette dans Cruz Gorda qui devrait être sur notre droite. Tiens donc. Nous décidons alors de désescalader la forte pente de ce mont à l’aide de nos cordes pour rejoindre ce petit affluent qui, entre temps avait bien grossi. Fred atteins le cours d’eau le premier. Nous le suivons de près mais déjà il est allé vérifier l’origine de ce vacarme.

  • « Vous allez être dégoutés les gars ! »

  • « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y’a ? »

  • « Non rien, y’a rien, mais vous allez regretter d’avoir pris cette sente pour aller plus vite »

A vouloir aller trop vite, nous manquons un petit enchainement

Mais qu’est-ce qu’il nous cache ?

Effectivement, en remontant le cours d’eau d’une dizaine de pas seulement, nous arrivons tout juste à la fin d’un enchainement de 5 jolies cascades, sur environ 100 mètres de dénivelé. C’est vrai qu’on est trop déçus ! On vient pour faire de l’explo et à la place de rester dans le cours d’eau on préfère aller plus vite en passant par les chemins. On ne peut s’en prendre qu’à nous même !

Il est déjà 13h, nous sommes à 2200m d’altitude, nous descendons la dernière cascade de cet enchainement, quand la végétation envahi complètement le cours d’eau, que nous n’avons plus quitté, et abaisse notre rythme de progression à environ 250m/heure. Fred ouvre le passage à généreux coups de machette. C’est l’homme de la situation ! L’heure tourne, le moral baisse, le froid nous gagne, le ciel se couvre, les rochers glissent et nous font trébucher : nous avançons à rien. S’il y a vraiment les 4 kilomètres de rivière prévus, à ce rythme, mieux vaut commencer à se faire à l’idée de dormir dans le canyon.

Le temps passe, ça n’en finit pas. Un peu de flore et de faune nous distrait.

  • « Tiens, un barranquero ! » Ce charmant oiseau, nommé le « canyoneur » nous accompagne régulièrement dans les cours d’eau ! il porte bien son nom !

  • « Et un paresseux ici ! »

  • « Ah mais il est mort, qu’est-ce qu’il pue le pauvre ! »

  • « Et cette fleur blanche en forme de cloche, qu’est-ce qu’elle est belle ! »

  • « C’est une borrachera » nous enseigne Uva, « Son extrait sert à faire dormir. Et en tisane, elle rends fou ! »

  • « Merci Uva, on n’est pas encore aussi désespérés ! »

15h30. Toujours à rythme d’escargot, Fred et Uva, tour à tour, ouvrent le chemin. Ça n’en finira jamais ! Je prends mes notes tremblantes : Encaissement végétal fort, rythme lent, affluent tantôt rive gauche, tantôt rive droite, pas d’échappatoire possible, roche tantôt sableuse, tantôt schisteuse et pourrie.

Je commence à sérieusement regretter d’avoir embarqué tout le monde dans cette aventure. Ils avaient raison, on n’a qu’à aller voir ce qu’on a de sûr à la place de faire des hypothèses de scientifiques. J’en veux plus des cascades maintenant, je veux juste sortir. On va se retrouver à dormir dans le canyon et ça sera de ma faute c’est malin. Est-ce qu’ils m’en veulent ?

Nous sommes cependant tous trois portés par la soif de découverte, si bien qu’on ne se rappelle même plus que c’est moi qui ait lancé cette idée, et tant mieux ! Mais si on dort dans le canyon, je suis sûre que ça ne manquera pas de me retomber sur le coin du nez, et c’est moi qui vais devoir trouver du bois pour le feu toute seule en pleine forêt … (j’adore me faire des films !)

16h. Le cours d’eau se resserre et s’encaisse. On-n’y-croit-pas. La roche est soudainement belle, faite d’un bloc, solide comme un roc, creusée par l’eau, foncée comme de l’ardoise mais à l’aspect compacte et lisse comme du calcaire. Elle est striée de jolies veines de quartz comme dans le Salazar ! Nous descendons cette cascade de 10m en rappel sur un arbre. L’encaissement continue. J’y crois pas ! C’est seulement à cette heure-ci que l’ouverture commence ? C’est pas une heure pour jouer du perfo ! De toute façon y’a pas le choix, les parois sont trop lisses pour réchapper, on s’engage.

Fred met sa combi en vitesse (jusque-là nous n’en avions pas franchement eu besoin. C’est plus fatiguant de progresser avec la combi, même si ça tiens plus chaud, ça freine les mouvements). Il n’y a plus d’arbres pour descendre, Fred monte le perfo en deux temps, trois mouvements et quelques minutes plus tard le point est posé. Ces goujons de 8 c’est fabuleux, quelle rapidité ! Quelle efficacité ! Nous descendons cette double vasque ! Chouette, ça fini en toboggan ! Ouuuh mais qu’est-ce qu’elle est froide cette eau ! Ça nous ravive ! C’est sûr qu’on s’engage peut-être dans une nuit blanche et glaciale, mais on ne peut s’empêcher de se féliciter de ce petit bijou !

Les obstacles sont continus et le canyon est toujours aussi joli ! Nous franchissons une autre cascade de 10m. Fred nous arrête en plein vol en reprenant son air pragmatique et lucide : « Les gars stop : on économise les points, même si on en a beaucoup. On sait pas dans quoi on s’engage, c’est encaissé, on ne voit pas la suite, il y a quand même un peu d’eau et c'est glissant. Je pars en premier, Anaïs tu me rejoins avec la trousse d’équipement, Uva tu t’occupes des cordes. » L’équipe s’organise, Fred disparait dans les ressauts suivant, il siffle, j’arrive, on pose un autre point qui nous permet de descendre en toboggan. La vasque suivante est profonde et gelée. Le canyon est magique. Mais qu’est-ce qu’on fiche ici à cette heure-là ? C’est pas la règle du bon explorateur de dormir en canyon, on l’a déjà dit. Je rejoins Fred dans cette vasque froide en haletant à mon tour : « Oh mon Dieu c’est gelé, Ah la la, ouff, fiouu, allez la corde, dégage ! » Je me débats ! Puis j’entends Fred :

  • « Tu veux savoir ? » me dit-il le sourire aux lèvres.

Il a la tête de la bonne nouvelle ! Il n’a pas besoin de m’annoncer la suite que je le sais déjà ! Je jette un coup d’œil par-dessus son épaule et j’aperçois ce que son sourire dissimulait, un chemin !

Le canal de prise d’eau est juste là, on l’avait complètement oublié ! Tout devient alors rapidement clair ! Je me rappelle de la dame qui nous a dit, lors de notre séjour précédent « C’est super vos cascades mais n’allez pas salir Cruz Gorda, c’est l’eau potable de Salento ». Nous sommes donc dans Cruz Gorda depuis le début, nous l’avons tout compte fait prise à la source. Ce canal c’est l’échappatoire de la dernière chance, aux dernières lueurs du jour, un chemin royal et dégagé, même pas besoin d’utiliser la machette ! Il va nous conduire direct à la sortie ! J’y crois pas ! J’entends Uva faire « sploush » dans la grande vasque puis reprendre son souffle à son tour, saisi par la fraicheur de l’eau ! « Fouh, fouh, fouh ! »

Nous quittons le canyon sans hésitation, il faut voir où ce chemin nous mène pour pouvoir revenir. Je n’en reviens pas, il est arrivé à temps, à la nuit tombée, là où vraiment, on ne l’attendait plus. Ce soir nous rêverons de ce canyon, de la suite, nous sommes tellement impatients d’y retourner que je ne vais pas en dormir de la nuit je suis sûre !

Nous arrivons à l’appart à 19h30, il fait nuit noire, nos adorables Français nous ont fait un bon repas plein de légumes, nous en sommes plus que reconnaissant ! Franchement je n’ai plus la force ni de cuisiner, ni de me doucher. Je regarde Fred se servir un bon verre d’eau fraiche

  • « Mmh, elle est fraiche ! ».

  • « Heurk Fred, tu sais que l’eau du paresseux mort coule directement dans le robinet ! ».

De quoi en dégouté plus d’un ! Nous procédons tout de même à la routine obligatoire de rincer le matériel et de l’étendre, encouragés par les notes mélodieuses de Jérôme, notre Français clarinettiste ! On ne pouvait pas rêver d’un dénouement plus idéal !

Fred se régale dans l'encaissement que nous découvrons ensemble

15 décembre : La première de la Quebrada La Espagnola !

Je me réveille les paupières lourdes et remarque sur mes hanches que les sangles du sac commencent à laisser des traces. Mon dos est en vrac. C’est pareil pour Fred et Uva mais aujourd’hui on s’en fiche, c’est les vacances ! On va ouvrir la Quebrada la Espagnola, ça va être facile. On sait où on est, on sait où on va, on sait combien de points, il n’y a pas d’équivoque possible ! Du gâ-teau. Et ce coup-ci c’est étudié, analysé, repéré, la totale, pas question de charrue avant les bœufs, les bœufs sont bien là ! C’est pour ça qu’on propose à la réceptionniste Caterina, de venir avec nous. Elle adore les sensations fortes et ce canyon se prête très bien à l’initiation. Les sacs pour une fois sont un peu plus légers, les charges sont réparties entre 4, ça fait du bien ! On peut même en profiter pour trainer un peu, un vrai bonheur ! L’équipe va de bon train, la marche d’approche, par le sentier des écoliers, est tout à fait agréable. Nous notons au passage la présence d’un petit serpent dont j’ai déjà oublié le nom. Nous déjeunons en haut du canyon, aujourd’hui c’est à mon tour d’ouvrir je suis aux anges !

Le relais est correctement triangulé à la dynema, j'ai ajouté une plaquette FIXE1 pour se longer. Il n'y a plus qu'à quitter le fractio et entamer la descente !

A moi le perfo et la machette ! Je pars devant, Fred prends mon poste : prise de note détaillée, photos, et regard critique sur les amarrages posés. Uva encadre Caterina et gère les cordes. Ce petit canyon d’initiation dans les bois est une vraie partie de plaisir ! Cette verdure infinie est teintée de rouge et d’orangée de plusieurs fleurs héliconia et du bleu de la longue queue des barranqueros. Nous nous délectons d’équiper la plus grande cascade en binôme avec Fred, (26m !) et je laisse les derniers ressauts à Uva pour qu’il s’entraine à sonder la roche, choisir l’amarrage, percer, nettoyer, répartir, installer, en ayant au préalable prévu le cheminement de la corde et calculé les éventuels frottements : chaque étape est cruciale. Nous finissons en temps et en heure, l’affluent La Espagnole se jette dans son collecteur, qui nous intrigue toujours autant, la fameuse quebrada de Santa Rita. Dis donc il pousse aujourd’hui d’ailleurs ce collecteur. On reconnait sans piper mot que, l’autre jour, on a vraiment bien fait de faire demi-tour et de ne pas s’engager là-dedans. Si c’est encaissé comme prévu, avec ce débit, ça n’aurait pas été une partie de franche rigolade.

16 décembre : Cruz Gorda, le retour !

Deux nuits ont passé depuis cette première, à nous imaginer la suite du canyon, à fantasmer sur d’éventuelles cascades. Cette magnifique veine de roche continue-t-elle ? Pendant combien de temps ? Nous avons quand même pris quelques repères quand nous sommes sortis de nuit l’autre jour, et nous les avons reportés sur Google Earth. Ces données nous permettent de mieux nous situer, et de porter nos espoirs à la hauteur de simples calculs : il nous reste un bon kilomètre de découverte jusqu’à la très jolie cascade de la Finca du Cairo, que nous connaissons d’en bas. Il reste environ 100m de dénivelé, sachant que le final prends bien 50m de dénivelé, autant dire que les cascades finissent certainement peu après l’encaissement que nous avons quitté avec tant d’adrénaline !

Nous revenons finir ce que nous avons commencé avec tant d’enthousiasme ! Fred et moi sommes les deux seuls combattants et, sachant que le parcours va être court, nous prenons notre temps pour profiter du paysage. Nous avions au préalable demandé la permission de passer au propriétaire, une de ses employés nous a fait la commission suivante : « Le propriétaire n’est pas là » s’excuse l’employée de Finca (c’est la troisième fois que nous venons, et nous ne l’avons encore jamais rencontré, nous ne communiquons avec lui que par commission) « il vous laisse passer mais vous rappelle que vous évoluez dans une Réserve Naturelle et vous prie de faire attention à la faune et à la flore ». Il a l’air très à cheval sur l’écologie et pourtant quelque chose cloche. L’autre soir nous sommes sortis par une prise d’eau énorme, il s’avère qu’il s’agit bien de la prise d’eau la plus importante pour alimenter Salento en eau potable et …. Une partie du département du Quindio. Et c’est pour dire que la mairie pompe : ils récupèrent plus de 60% du débit du court d’eau principal, notre canyon en question, et pire encore : ils assèchent à 100% les affluents en aval de cette prise d’eau. Ce déséquilibre écologique nous mets dans une colère. Comment peut-on permettre ça ? Et plus encore : lorsque nous descendons les deux jolies cascades sous la prise d’eau, la réduction du débit se fait sentir : le lit de la rivière est sec et vaseux, on s’enfonce jusqu’aux tibias, ça pue. La rivière ne parvient plus à se nettoyer. En aval de cette grosse prise d’eau, les pierres sont recouvertes d’algues rendant le canyon aussi glissant qu’un canyon du pays basque. Pire encore, les employés se servant de bâches en plastique pour détourner l’eau, ce qui doit arriver se produit : des morceaux de bâche par dizaine jonchent le lit de la rivière, restent coincés dans les branches ou les rochers, forment des embâcles dans le cours d’eau. C’est affreux. Je prends des photos sans mauvaise intention, réfléchissant à un plan d’action mais on ne peut pas s’empêcher d’être désolés !

L’encaissement est de toute beauté, il n’y a plus de rappel, nous laissons maintenant aller en toboggans sur une roche toute lisse ! L’encaissement est sombre, et avec ces rochers glissants, et les zipettes incontrôlées, on se croirait vraiment au pays basque ! Une petite demi-heure de marche plus tard et nous arrivons au passage de la grotte, où nous nous étions arrêtés lors du repérage il y a quelques semaines. Ca y’est, les deux morceaux sont connectés. Si on avait su, si on avait continué rien que quelques minutes cette fois-là, nous aurions vu, au détour du virage, que l’encaissement que nous cherchions était juste là !

Heureux dans la découverte des petits toboggans naturels de Cruz Gorda

Nous planifions d’équiper l’enchainement final des trois cascades avec les vis MMS dont j’étais convaincue de l’efficacité grâce à Jérôme, qui lui-même avait été convaincu grâce à Manel, le spéléologue catalan qui avait veillé sur nous à Barcelone, à l’aube du départ.

Eh bien Jérôme, franchement, elles sont impossibles à mettre ces vis ! On a pris une suée et une bonne demi-heure pour faire rentrer UNE seule vis, et on a dû s’y mettre à deux en synchronisant le coup de marteau et le coup de clé ! Livre nous ton secret ! L’expérience nous fait nous féliciter d’avoir pris autant d’amarrages différents, nous permettant de répondre au mieux aux diverses situations que nous rencontrons, et je nous félicite de plus belle d’avoir pris tous ses goujons. Au début j’étais sceptique : c’est dommage de mettre des goujons dans une course que nous souhaiterions brocher par la suite mais Fred a insisté : « Tu vas voir, c’est pratique ! Parce que ces vis à Jérôme ça va être impossible à mettre ! ». Je vous éclairci brièvement sur ces deux techniques : Tandis que les vis sont des amarrages qui se récupèrent, les goujons sont des amarrages que nous devons sciemment abandonner et qui, potentiellement, nous manquerons sur une prochaine ouverture. Mais la question ne se pose plus, les vis MMS de 8mmx120mm sont impossibles à enfoncer. Les plus courtes, de 8mmx80mm, que Manel nous avait fourni avant le départ, ne marchent pas avec la clé de 13 (on tombe de nues !).

Nous descendons finalement avec joie cet enchainement final sur du goujon. L’orage gronde, la fraicheur tombe, Fred tremblote pendant que je perce tant bien que mal à bout de bras, dans cette bonne roche, le dernier relais de l’ouverture de Cruz Gorda : plein vide, pas un frottement, de quoi ravir un spéléo !

Nous inaugurons fièrement la première descente de la cascade touristique du Cairo

Fin du séjour

Nous nous laissons machinalement aller à une journée libre de nos gros kit de canyon lourds comme une charge de mule, et nous évadons légers comme des plumes ! Ce matin on voit les glaciers, le ciel est d’un bleu intense peu commun dans la région, dégagé comme jamais, et ce grand soleil à la fraicheur du matin nous anime à procéder aux rencontres sociales et à multiplier les contacts ! Notre projet prend forme : nous rencontrons les pompiers pour installer un service de secours, nous programmons d’aller à la mairie pour demander d’installer un stand sur la place centrale, nous visitons une cabaña à louer pour la saison et après un déjeuner bien mérité dans le grouillement de vie de la cantine populaire, nous trouvons aussi une falaise idéale pour organiser notre école de canyon ! La trouvaille parait bénigne, mais les falaises ici sont aussi rares que nous en avons besoin pour réviser les manips avec les futurs stagiaires ! A notre plus grand étonnement, cette falaise est même équipée pour l’escalade ! Il y a donc des grimpeurs dans le coin qu’il nous tarde de connaitre ! Pour couronner la journée, nous passons à l’improviste à la Finca du Cairo où nous nous entretenons un moment avec le jeune directeur !

Alejandro, la trentaine, a eu vent de notre malheureuse expérience écologique. Il récupère avec engouement les photos du désastre et écoute attentivement notre projet. Il est ambitieux, encourageant et souhaite prendre pleinement part à l’aventure : devant le potentiel que nous lui décrivons de Cruz Gorda, il souhaiterait participer à notre formation de Guide Canyon, contacter les grimpeurs de la falaise et les parapentistes du coin pour former un Pôle d’Aventure, planifie d’aller à la mairie reporter les photos, il parle même de mettre un onglet « Canyoning » sur son site ! Jamais nous serions-nous attendus à pareille alliance! Et plus encore ! Il nous fait part d’une nouvelle activité qu’il va proposer à sa Finca (il héberge des étrangers) : visite nocturne des animaux reptiles. Nous en découvrons des tonnes sur les serpents locaux et nous apprenons surtout que nous pouvons nous procurer un sérum en cas de morsure. Il en a un, lui, à la Finca, et il sait quoi faire. Voilà qui nous enlève une grosse épine du pied !

Soupe populaire à Salento

Par contre l’épine Toyota elle, est toujours enfoncée bien profond ! Notre tracteur fait des siennes lorsque nous décidons de rentrer à Cartago. Nous nous félicitons déjà, de partir de jour, après avoir hésité à économiser une nuit et partir la veille au soir. Ce choix judicieux nous évite au moins d’être en pleine galère en pleine nuit. Par contre, il nous faut encore nous améliorer et partir un autre jour…, qu’un dimanche ! Ca nous facilitera la tâche la prochaine fois pour trouver un mécano ! Ah l’épopée du Toy ! Cette fois ci il décide de s’arrêter en pleine descente, et de mourir à une station essence. Encore une fois il nous accommode au moins sur son point de chute ! Il aurait pu tout aussi bien nous lâcher sur une piste au milieu de nulle part mais non. Je crois que c’est une voiture de la montagne c’est tout ! Il fait des siennes dès lors qu’on rentre en ville ! On ouvre le capot, et nous nous apercevons d’une évaporation qui nous mets rapidement la puce à l’oreille : le système du gaz fuit ! Encore heureux nous avions presque vidé la bombonne. Puis, en regardant de plus près, nous nous apercevons aussi qu’une bonne fuite d’essence inonde le moteur à son tour ! Un garçon de la station essence arrive pour nous prêter main forte et nous recommande de suite de nous éloigner du véhicule : le Toy est une bombe à retardement ! Comment va-t-on s’en sortir ? Le remorquage va nous coûter une blinde, la station essence veut pas nous voir ici, Uva ne peut pas nous aider, les mécanos ne bossent pas le dimanche, il n’y a pas d’assistance sur la voiture. Nos espoirs reposent sur ce garçon qui chevauche sa moto et part à la recherche d’un mécano pour nous aider. Il revient une heure plus tard, suivi d’un taxi. « Je vous ai trouvé quelqu’un ». Nous le remercions chaleureusement quand derrière lui, nous voyons descendre du taxi un vieux papi, tout maigrichon, un peu boiteux, édenté et avare de parole, suivi de son acolyte dans un état similaire. Nos sauveurs ! Nous les laissons s’affairer et deux heures plus tard nous reprenons les rennes du Toy, à l’essence. Ils ont pu réparer la fuite d’essence mais pas celle du gaz. Ils nous permettent de rentrer à Cartago en nous recommandant de filer au mécano en arrivant pour réparer le gaz, et le système de refroidissement qui est aussi cassé. Nous confions en leur travail dominical et rentrons sereinement à notre camp de base. Le Toy tiens le coup, jusqu’au panneau « Cartago » où il décide d’avoir complété sa mission et s’arrête, en pleine place de marché. C’en est trop. Plusieurs hommes arrivent pour nous aider et nous reprenons le même discours, d’où découlent les mêmes solutions et les même problèmes :

  • « C’est le démarreur ? » propose un papi avec un gros nez,

  • « C’est peut-être la batterie » invente un vieux monsieur plus propre, puis après réflexion « Mais y’a plus d’électricité dans ce moteur ? » s’exclame-t-il

  • « Ah mais il y a une fuite d’eau ici ! » renchéri l’autre !

  • « Mince c’est dimanche les mécanos vont jamais venir »

  • « Il faut appeler le remorquage ».

  • « Si vous laissez le véhicule ici c’est $6000 la nuit » lance un nouveau maigrichon, sale et couverts de bijoux hippies

Fred court entre les demande de démarrer le moteur, d’arrêter, d’accélérer. Il perd patience et chacun y va de plus belle !

  • « Et merde alors » interrompis-je devant ce théâtre, « Y’en a marre ! Le remorquage va être vite fait : Vous tous », fis-je en désignant d’un geste circulaire tout ce beau monde « Pouvez-vous s’il vous plait nous aider à pousser, on va caler le Toy là et on se barrera en taxi ! »

Première panne du Toyota: l'essence déorde par le moteur et le gaz fuit!

Ça suffit pour aujourd’hui, c’est plus épuisant qu’une ouverture cet engin ! La situation était assez comique : dans ce quartier malfamé, à ces hommes estropiés, alcoolisé, drogués ou affamés de pousser cette grosse bagnole dans un recoin du marché, et toutes ces immondices. Il va passer une sale nuit …

Demain on va le retrouver chargé de poules et entourés de veaux, en pleine place de marché, on lui trouvera bien une utilité ! On va s’amuser pour faire de la place au mécano !

Et nous repensons déjà, dans le taxi du retour, tout notre équipement chargé jusqu’au toit : « Quand est ce qu’on va dormir à la Finca La Espagnola pour ouvrir Santa Rita ? »

Pas tout de suite, une bonne semaine de travail intense et de migraines nous attends dans la chaleur étouffante de Cartago avant de repartir.

Chao les ouvertures! Repose toi bien petit perfo !


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