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Canyon y Machete change de département!

Pas de nouvelles depuis dix jours déjà, et pour sûr, Bonne nouvelle! Pendant ce temps, l´Expédition a fait de nombreux pas en avant!

Nous avons changé de département, et de conditions de vie aussi! Voyage en bus, logement en tente et je vous écris depuis un cybercafé, pratique très répandue ici, mais au clavier un peu déroutant pour nous (c´est un QWERTY et non un AZERTY)!

Il y a dix jours nous avions convenu de rencontrer John, le président de l´institution de Canyon la plus développée et la plus reconnue en Colombie : Colombian Canyons. Dans le monde du canyon, pour une grande partie des rencontres que nous avons fait, notamment institutionnelles, ils sont la référence. Depuis le début de l´Expédition nous cherchons à se rencontrer pour échanger sur nos expériences respectives et trouver un terrain d´entente pour parvenir à notre but commun : développer l´activité Canyoning en Colombie à travers de l´ouverture de nouvelles courses et de la formation personnelle et professionnelle. L´opportunité se présente enfin : John descends dans le département du Caqueta, « les portes de l´Amazonie », connu pour ses eaux cristallines. Nous passons alors à l´action. De ce que nous avons pu apprendre des us et coutumes locales jusqu`à présent : ni le téléphone, et encore moins les mails, ne servent à quelque chose ! Si on veut que ça avance, il faut prendre les devants et rencontrer directement les gens ! Passer à l´action a souvent eu le mérite d´être plus efficace. Aussi nous ne loupons pas l´occasion et proposons à John de le rencontrer en partageant quelques ouvertures ensemble. Aussi, bien des semaines avant la rencontre, nous nous donnons RDV le 9 dans le Caqueta. Mais la date approche et les nouvelles se font de plus en plus rares, jusqu`au jour du départ où il n´y a plus eu de nouvelle du tout.

Mais on se démonte pas, on est le 7, y´en a pour deux jours en bus à descendre depuis Cartago (environ 12h) jusqu`à Florencia. On prépare le convoi : un sac pour le perfo et le matériel d´équipement, un chacun avec nos affaires de canyon et les cordes, un en plus au cas où on rencontre du monde qui veuille faire du canyon, et désormais, pour plus de polyvalence et d´économies, un dernier sac contenant la tente, les tapis de sol, le réchaud et quelques vêtements ! Ce qui fait trois sacs chacun. Mon dos se demande parfois si on n’aurait pas dû choisir une activité qui prenne moins de place !

Ayant pris pour habitude de ne plus vendre la peau de l´ours avant de l´avoir tué, et surtout en Colombie, nous montons à bord du bus de nuit, parés pour notre grand voyage, mais nous restons sur nos gardes, pour ne pas être déçus. Quoi qu´il en coûte, c´est notre dernière tentative de rencontre, après ça il va falloir continuer sans eux.

Samedi 7 Janvier

Le TransHuila (Bus du département du Huila, voisin du Caqueta) est assez confortable. Ce voyage nocturne me rend nostalgique de mes longs périples au Chili en 2008. On n’a pas les petites couvertures ni les oreillers, mais les sièges s`inclinent et … il y a la Wifi ! La SNCF peut bien se tenir à côté de ça ! Nous prévoyons de faire une étape dans le désert de Tatacoa, qui est sur la route, pour mieux profiter du voyage ! Uva et Marie voyage justement dans la famille de Marie, qui est du Huila, et nous prévoyons de nous retrouver dans le désert pour camper ensemble avant de nous séparer.

Malgré un bouchon de plus de 3 heures en pleine nuit sur la route reliant Pereira à Ibague, nous passons un agréable voyage, très enthousiastes à la perspective de ces ouvertures dans une belle roche calcaire, de cette découverte du pays et de l´avancement que connait notre Expé!

Dimanche 8 janvier

Nous approchons du Terminal de Bus de Neiva, capitale du département du Huila, à 9h. La clim dans le bus est tellement fraiche et la moiteur extérieure tellement dense que la buée se condense sur les fenêtres et le plafond et me fait un goutte à goutte sur la tête. Nous longeons en bus les derniers kilomètres sur les rives du Río Magdalena, le plus gros fleuve du pays, naissant dans les hauteurs du Huila et parcourant un long voyage de 1500km jusqu´aux Caraïbes ! Les gens vendent des gros poissons fraichement pêchés. Pourvu qu´ils se vendent vite, parce que je ne vois pas une glacière pour les conserver ! Le Terminal de Bus de Neiva, comme tous les Terminales du pays, grouille de voyageurs. Les chauffeurs de bus crient à tue-tête leur destination pour remplir leur bus et partir au plus vite. Nous entrons après notre nuit inconfortable dans un brouahah de « SanAugustiiiinSANAUGUSTIN », « Piiitalitopitalito », « Mooooocoa », « floorENCIA ». Chaque conducteur tente sa chance, et nous démarche sur des vocalises différentes. Pendant ce temps, les femmes de ces nombreuses boutiques de souvenirs, de gourmandises ou de fritures nous prient d´entrer sans jamais se lasser, ni sans articuler, depuis le pas de leur petite boutique (pas plus de 5m2, mais on y trouve de tout !) « Bienpuedaalaordenbienpueda » (« Bien pueda, a la orden » Je vous en prie, a votre service), « Con mucho gusto, bien pueda » « Hola, bienvenidos ». Tout est en mouvement. La moiteur, les bagages et la fatigue font de nous des zombies ! On a bien besoin d´un grand verre de jus de fruit pressé, comme on en trouve partout ici !

Dans le sud du pays les Willies sont beaucoup moins d´usage. Ici le transport public est dispensé par des camionetas. Ces pick-up aménagés transportent dans l´idéal, une quinzaine de personnes à l´intérieur et à l´arrière, et les cargaisons sur le toit. Mais on en a vu doubler ce quota … sous la plainte des amortisseurs !

Le paysage ici n´a rien à voir avec le reste de la Colombie. La Tatacoa est considérée comme un désert, bien qu´il s´agisse en réalité d´une « Forêt Tropicale Sèche ». Mais je comprends facilement qu`un Colombien puisse l`assimiler à une zone désertique, tellement ils sont habitués à ces terres regorgées d´eau ! Notre guide décrit le désert comme le décor du Far West de Lucky Luke. Fredo lui se sent un rôle d´acteur sur cette scène de cinéma Hollywoodien : « Ça sent le Coyotte à plein nez » commence-t-il, en roulant des épaules, un brin de paille imaginaire entre les dents « Mais il manque un vrai Shérif par ici » improvise-t-il sous mes éclats de rire !

Le Conquistador Gonzalo Gimenez avait surnommé ce désert « La vallée des tristesses ». Il arrivait pour coloniser ces terres nouvelles depuis Bogotà, zone fraiche, verte et fertile, au climat tempéré. Il s´est alors effaré devant ces terres si hostiles où vivaient des indigènes. Comment pouvaient-ils subsister sous cette chaleur, parmi ces plantes qui piquent (les cactus), manquer d´eau, subir les morsures des jejens le jour, des moustiques la nuit, côtoyer serpent à sonnette et scorpions ? La Vallée des tristesses a alors épargné les indigènes de l`époque et le conquistador a rebroussé chemin vers ses terres plus accueillantes de Bogota.

Tatacoa est très connue pour ses piscines naturelles d`eaux chaudes, son observatoire astronomique et son musée dédié à la paléontologie. Ce dernier étant étonnamment sommaire malgré sa renommée, nous y faisons toutefois d´étonnantes découvertes sur la méga faune qui vivait dans le marécage que formait alors ce désert il y a 20 millions d´années (Miocène). Des paresseux atteignant 6m de haut, debout sur leurs pattes, broutaient les arbres. L´eau du marais accueillait la plus grande tortue d´eau douce jamais connue, avec ses 2 mètres de long. On trouvait aussi d´imposants Tatous ! Alors qu´ils mesurent aujourd´hui pas plus de 50cm, ils atteignaient alors entre 4 et 5 mètres !

Nous sommes sous le charme du désert. Les couleurs du sable reflètent la richesse des minéraux présents dans le sol. De beaux gros morceaux de silex jonchent le sol (Une pensée s´envole vers notre ami spéléo de Ganges Marc Ivorra, qui adore passer des heures à tailler des silex ! On les a pris en photo en pensant à toi, et il me semble bien que c´était justement le jour de ton anniversaire ! Mais nous n´avions pas internet pour te l´envoyer!)

Bon anniversaire Marc !

Le paysage est tâché de cactus, où nichent de petits canaries jaunes ou rouges. Le rythme de vie est si différent. Les maisons ne paraissent plus en rien à celles du Triangle du Café où nous étions jusqu`à présent. Leur armature de guadua est recouverte de terre cuite, peinte en blanc. Il n´y a pas plus de fenêtre qu´ailleurs. En revanche, le toit de tôle laisse une partie ombragée bien plus importante. Les gens se reposent dans des hamacs, les chevaux soulèvent des nuages de poussière et nous nous laissons à nous rafraichir d´un jus de nopal, de la famille du cactus ! C´est frais, ça nous rappelle le goût de la pastèque, et c´est surtout bon pour les fibres et les vitamines parait-il. Nous n´avons en revanche pas eu le privilège de goûter à l´estofado de cabrito ($20.000 pour le ragoût de chevreau, 7€). Étant nous même un peu plus Colombien, nous demandons plus humblement une assiette pour $5.000 (1€50), bien qu`elle ne soit ni au menu, ni dans la tranche de prix du « restaurant ». Mais ces restaurants sont en fait un service proposé par la famille de la maison, et en Colombie, peu importe !´argent que tu aies sur toi, on te donnera toujours à manger. Et au final, dans ces pays où la palabre est le maitre mot, tout se négocie. Bon vieux Français on a du mal à se dérouiller mais il vaut mieux vite se prendre au jeu. Désormais on remise tout : repas, transport, logement.

Uva et Marie nous rejoignent le soir comme prévu, accompagnés de deux amis, et nous nous accommodons librement dans le désert. Quelle vie de sauvages. Bien que jouissant de cette liberté, je déplore que le Parc ne soit pas plus vigilant. Ces visiteurs Colombiens proviennent, d´après nos sondages, pour la plupart de Bogota et adoptent une attitude franchement désopilante. Ceux que nous avons vu jusqu`à présent ne respectent en rien cette réserve naturelle rare. Ils souillent le sol, ils se déplacent en moto ou en voiture jusqu´où ils peuvent à la place de marcher, il piétine les formations géologiques sans aucun état de conscience. Leur comportement me plonge dans un désarroi des plus profonds. Parfois j´ai du mal à les cerner. Ils sont si doux et si accueillants, ils aiment leur pays et pourtant sur la route je n´ai jamais vu plus égoïste et irrespectueux. C´est vraiment un pays plein de contradictions qui nous tiens des longues soirées de conversation avec Fredo.

Notre nuit sous les étoiles est agréable. Nous échangeons autour du feu sur ce voyage à venir qui se concrétise à notre plus grande joie. Uva et Marie nous régalent de leurs talents musicaux aux airs andins, vraiment c´est une soirée agréable et ressourçante, loin de toute activité humaine, loin de toute pollution sonore. Marie semble avoir entendu un serpent à sonnette. Le mystère reste entier.

Ambiance nocturne dans le désert

Lundi 9 janvier

Un jour nouveau se lève et on doit se rendre à l´évidence : nous n`avons aucune nouvelle de notre RDV, malgré nos relances. Le compte à rebours est fini. Nous voulions profiter des eaux chaudes avant de reprendre la route mais avec ce week-end des rois mages (6 janvier prolongé jusqu`au 9), les visiteurs de la capitale sont en surnombres et détruisent toute la tranquillité de ce lieu reculé. Nous choisissons de nous épargner l´expérience des eaux chaudes saturées, j´imagine avec la musique à fond, le brouahah, et les déchets par terre.

Marie nous propose gentiment de nous accueillir dans sa famille à Pitalito, dans le Huila, à 5 heures de route du désert. Nous voilà chevauchant une « moto-taxi » pour rejoindre la buseta (petit bus 12 places) qui va nous emmener au bus. Ici tout le monde peut rendre ce service. Il suffit juste de demander… à quelqu´un qui a une moto ! Une dame m´emmène et sa fille nous suit sur une moto flambant neuve avec Fred. Le côté surprenant, c´est qu`elle a à peine 12 ans ! Puis nous montons dans une buseta jusqu´á Neiva, elle est pleine á craquer mais le chauffeur nous trouve deux places : une á l´arrière sur un tabouret pour Fred, une devant, le levier de vitesse entre les jambes pour moi ! Il fait chaud, et avec tout ce monde entassé, je pique du nez jusqu´á … m´endormir sur l´épaule rassurante du chauffeur ! Le pauvre ! Ils doivent en avoir par-dessus la tête parfois ces chauffeurs !

Il commence à pleuvoir. Le Rio Magdalena est plus marron qui jamais, on dirait qu´il est prêt à recouvrir la route. Les vagues sont impressionnantes. Il a énormément plu sur les hauteurs ces derniers jours. Cela s´explique toujours en partie parce-que cette année c´est le phénomène météorologique « de la niña » : une fois tous les 4 ans il pleut beaucoup plus abondamment dans les tropiques d´Amérique Latine.

Mardi 10 janvier

Nous remanions les plans. Il n`y plus de Caqueta qui tienne mais autant profiter de ce long voyage pour voir du pays. Et puis, partout où nous allons, tant qu`il y a des montagnes et des cours d´eau, le projet continue !

Après une nuit reposante dans la grande maison de ville, comme il nous est rare de voir, nous sautons á bord d´une camioneta en direction de San Augustin, à 1h de chez Marie. Les maisons du village sont toutes blanches, et l´ossature peinte en vert. Les marchands ambulants vendent ici les produits locaux suivants. Au choix : jus de canne à sucre pressé dans un authentique pressoir en bois, (au mécanisme relevant du manège enchanté !), cacahuètes pour tous les goûts ou un mélange des deux qui a attiré mon attention : des femmes battent sans cesse une crème blanchâtre sur une tige de fer. Elles vendent en fait de la « gelatina », une petite sucrerie à base de sucre de canne et de … graisse de patte de bœuf. La mixture forme une crème très sucrée saupoudrée de miettes de cacahuètes. La gourmandise se déguste dans un petit pot à l`aide d´un bâtonnet.

Une des rues de San Augustin

San Augustin est très connu pour ses parcs archéologiques qui témoignent d´une civilisation pré-colombienne aux rites funéraires prédominants, soudainement disparue vers l´an 1200. Cette civilisation dite « Augustinienne » vivait sur des « mesitas », des petites esplanades créées au sommet de petits monticules. Ils vivaient en parfaite harmonie avec leurs défunts qu´ils enterraient allongés dans des sarcophages taillés dans la pierre, allongés ou … assis ! Ils les enterraient aussi sous des dalles de pierres dans des positions diverses : allongé ventre terre, accroupi, sur le côté ou bien sûr, pour les plus importants, sur le dos. A une époque plus avancée ils leurs arrivaient de les inhumer. Ces divers tombeaux excavés étaient tous protégés par un ou plusieurs « gardiens ». Ces statues zooanthropomorphes, finement sculptées dans la pierre volcanique, au style expressionniste, veillaient sur les défunts. Certaines d´elles sont très connues. Un gros travail archéologique de plusieurs années a été mené par l´Allemand Konrad Theodor PREUSS dès 1914 et a révélé bien des témoignages sur les pratiques rituelles de l´époque. Le parc archéologique est très soigné, calme et reposant. Nous avons pu nous balader, transportés par la magie des lieux et la créativité de ce peuple, partagés entre mythologie et mystère, enclins á des rites qui nous dépassent. Les alentours de San Augustin sont truffés de tombeaux et de gardiens. Une simple balade dans les hauteurs du village ou sur les berges du Rio Magdalena permet de profiter pleinement de cet art sculptural.

Les guardiens

Uva ne nous a pas laissé partir sans nous refiler un de ses « bons plans logement ». Aussi, après notre balade au parc nous nous mettons en marche vers « La Antigua », en remontant une piste en terre á travers les bois derrière San Augustin. Il fait nuit noire, on demande notre chemin à plusieurs reprises, dubitatifs sur la direction à suivre. Mais nos interlocuteurs nous encouragent : nous sommes sur la bonne route. Avec la pluie le chemin est boueux et glissant, et, chargés comme des mulets, nous prenons garde de ne pas trébucher.

C´est alors que nous découvrons l´univers de Christian, chez qui nous logerons finalement pendant tout notre séjour. Cristian est un vieil homme très accueillant et généreux, dont l´apparence témoigne largement de sa vie de hippie. Sa maison de guadua ouverte sur la nature invite au partage et à la vie en communauté. Il y a très peu d´électricité : une prise et deux petites ampoules pour toute la pièce commune. Cette dernière est grande et spacieuses. La cuisine est construite en contre-bas de la même pièce, de telle sorte que le sol du séjour serve de plan de travail á la cuisine. Le séjour est quand á lui plein de sièges de toutes sortes et confectionné de récup : coussin, hamac, bancs. On vit à même la terre, il ne faut pas être trop regardant sur la propreté. Les jeunes hôtes, au style de vie aussi bohème, sont réunis autour de la seule table et d´une des deux ampoules. Ils nous invitent aussitôt à entrer. Nous paraissons hors temps avec nos frontales, nos sacs fluos en plastique, nos vêtements de montagne, notre matériel en ferraille et nos casquettes alors qu`ils sont tous recouverts de laine, de ponchos, de pantalons en coton et qu´ils tripottent leurs instruments de musique. Monde parallèle.

Ce soir nous nous retranchons dans nos quartiers de bambou, nous fumerons le calumet de la paix un autre soir. Cristian a construit dans la forêt en bas de chez lui de grandes cabanes en guadua. Malgré la construction inachevée et le laisser-aller général de l´entretiens, le charme de l´endroit est indéniable, et la vue incroyable. Les cabanes ont été construites sur le flanc d´une des parois de l´immense canyon du Rio Magdalena. Du haut de la troisième cabane, où nous avons élu domicile, la vue est vertigineuse. La cabane n°3 est constituée de 3 étages mais la pente est telle que nous arrivons directement sur le troisième étage. Les étages sont divisés en deux pièces distinctes. Ces chambres sont sommairement meublées d´un matelas à même le sol, sur un plancher recouvert de poussière. Pas de drap, pas d´oreiller. Une pile de couvertures miteuses. Pas de lumière, pas d´électricité tout court. J´ai compris que le jeune qui nous a conduit jusqu`à la cabane avait senti notre prise au dépourvu quand il m´a proposé, de son accent argentin : « Tu vois tu peux monter la tente quand même si tu veux, pour plus d´intimité ».

Mmmh, c´est sûr qu´on peut dormir sur le matelas mais c´est un coup sûr à attraper des puces ! On n’a pas de quoi manger alors on décide d´aller boire une bonne bière en ville et de manger un bout là-bas. En se couchant dans la tente, dans la « chambre », on s´endort le sourire aux lèvres. Dès que quelqu´un rentre dans une des pièces, le tout tremble, les planches craquent et résonnent. Et il faut se méfier, parce qu´il y a des endroits où il n´y a plus qu´une planche sur deux ! On ne sait même pas pourquoi on « paye » un logement ici. Il n`y a pas d´eau, pas d´électricité, pas de cuisine, pas de draps, pas de salle de bain. On a juste une tente dans une construction en guadua. Au moins on a un toit.

Mais finalement vous savez quoi ? On s´y fait, on se laisse aller à cette vie tranquille au retour de nos escapades. C´est sûr que durant la journée on n’a pas du tout le même rythme de vie que nos amis hippies. Alors qu´ils divaguent, qu´ils prennent leur temps pour se lever et accueillir le soleil dans des positions de yoga, un peu de fumée, à partager d´agréables airs de musique et à philosopher, nous on se lève à l´aube, on prend un café et on se taille, chargés comme des mules avec nos cordes, nos perfos, notre ferraille, à l´attaque de nouvelles aventures. Et on revient le soir, sans que personne ne s´aperçoive de nos aller venues, exténués mais ravis de nos nouvelles découvertes.

Nous nous étions tellement régalés au parc que le lendemain nous sommes levés tôt, motivés pour aller connaitre les autres sites archéologiques des environs de San Augustin.

Petit dejeuner a la cabane n°3

C´était notre première nuit chez Cristian et nous étions ridicules tellement nous étions maladroits ! Nous avons fait le café au réchaud dans notre coin de cabane n°3. Nous avions prévu un peu de pain et de légumes pour le petit déjeuner. Nous étions là, sur la terrasse en bois de la cabane, isolés. Il pleuvait. On ne pouvait rien faire sans se tremper jusqu´aux os et on ne pouvait même pas admirer la vue ! Quand Daniel, notre voisin de chambre, nous a naturellement dit « Vous savez il y a une cuisine chez Cristian », on s´est dit qu´on était franchement trop Français replié dans nos tranchées. C´est en fait le point de ralliement là-haut, c´est la pièce commune de TOUS. Dans cette cuisine nous trouvons un réchaud au feu de bois mais aussi un réchaud à gaz, un tas de gamelles en alu noircies par les feux, un évier avec un robinet duquel coule de l´eau trouble.

« Il faut la bouillir avant de la boire » nous conseille gentiment Cristian.

J´ai demandé confirmation à une jeune Allemande et elle m´a effectivement confirmé

« Oui, on ne boit que du thé ici. Vous avez des herbes du jardin là, servez-vous, et des fruits aussi ».

C`est agréable cette paisible vie communautaire. Je complète le tableau de la cuisine avec une quantité de bols et de grandes cuillères mais le tableau ne peut pas être complet sans les cageots qui débordent de fruits (nos amis sont tous frugivores !)… et toutes les blattes ! Faut pas être regardant. Chacun mange tour à tour, ou alors, si on a la patience, on peut partager et manger tous ensemble, mais c´est la veillée assurée. Plus tard, quand on en pouvait plus de notre crasse, on a trouvé un tuyau suspendu dans un coin de forêt et finalement on a compris qu´on prenait sa douche là : tout nu, dans la forêt. Pareil pour les toilettes. On recharge le téléphone chez Cristian et on s´est tellement senti grand luxe d´un coup qu´on a même laissé notre étage meublé d´un matelas au 3° pour descendre au 2°, où il n´y a plus ni matelas, ni cloison entre les chambres. Mais on met toujours la tente ! Cristian a dû lire dans nos pensées : un homme est venu aujourd´hui traiter les puces dans les chambres !

La cabane n°3

Mercredi 11 janvier

La pluie nous a empêché d´en apprendre plus sur cette mystérieuse civilisation précolombienne mais c´est un mal pour un bien : nous avons aujourd´hui rencontré Amid, un Français installé en Colombie depuis plus de 15 déjà et qui tient sa boite Magdalena Rafting. Nous ne pouvions pas faire une rencontre plus fortuite ! Amid nous a généreusement accueillis autour d´un café à côté de sa base. Il a su écouter notre projet avec grand intérêt et être de bon conseil. Il nous a donné des contacts essentiels et nous a généreusement expliqué le fonctionnement local. On en aura jamais autant appris autour d´un café. Ça fait du bien, ça avance ! On va pouvoir donner une bonne suite à notre « diagnostic de territoire ». Sa gentillesse est telle que nous sommes encore ici, à San Augustin, à l´heure où je vous écris. Nous avons pu rencontrer ses guides, échanger sur la formation qu´ils ont reçus, écouter leur expérience professionnelle. Le « guide canyon » d´Amid a quand même été formé en 2004 … par des guides de raft ! Une institution qui s´appelle le Cena donnait une fois par un an une formation multisport pour donner à des jeunes des milieux ruraux l´opportunité d´accéder à un métier. Ils avaient une quantité assez significative de participants, une cinquantaine en moyenne. Le cursus de 3 à 4 mois était gratuit mais malgré tout, de ces participants ne ressortaient qu´une poignée de diplômés, et de ces diplômés, seuls quelque uns travaillent encore aujourd’hui. Nous les avons rencontrés. L´intention du Cena est bonne et tout à fait louable, rien que pour l´opportunité qu´on eut ces personnes qui travaillent encore aujourd´hui, mais le contenu technique est visiblement très sommaire. Ils ont prospecté dans le sport nature tant au niveau du raft que de la rando, du canyon mais aussi de la spéléo. Vous comprenez qu´après le passage d´une telle institution dans ces grottes et ces canyons, nous soyons sidéré qu´il n´y ai aucun amarrages en place ! Loin de moi le fait que les amarrages doivent être systématiques, mais encadrer un public sur un sangle autour d´un arbre en canyon, ou d´un rocher en spéléo, c´est vraiment plus limitant et laxiste en terme de sécurité.

Voilà le rôle de notre « diagnostic de territoire ». Il permet d´évaluer les produits proposés, de tester les courses utilisées à des fins commerciales, d´échanger sur les techniques d´encadrement et les difficultés rencontrées. En aucun cas il ne s´agit de porter un jugement. Il s´agit juste de proposer une amélioration, suite à notre travail sur le terrain, pour que le gouvernement dispose d´une formation professionnelle adaptée à la demande, et qui réponde aux carences. Amid a su répondre aux carences de la formation du Séna en accompagnant chacun de ses guides sur le terrain et en continuant leur formation, jusqu´à ce qu´il sente le guide prêt à encadrer en toute responsabilité.

Nous avons eu aujourd´hui la chance de descendre la partie haute du Rio Magdalena en raft, avec Luna, un guide de raft qui a reçu la formation du Sena et qui travaille pour Amid depuis 12 ans déjà. Luna s´est montré un barreur formidable ! La rivière était technique et notre petit raft s´en est sorti à la perfection dans chacune des manœuvres que nous avons dû faire ! Ceci reflète l´expérience de Luna et l´accompagnement d´Amid aux côtés du seul barreur qu´il laisse encadrer dans la partie haute du Rio Magdalena.

Jeudi 12 janvier

Nous commençons notre diagnostic par la descente du produit « Canyon » vendu par Magdalena Rafting : le canyon de la Muralla, affluent du Rio Naranjo. L´enthousiasme d´Amid est énormément communicatif. Il est kayakiste à base mais c´est un aventurier dans l´âme. Il a su profiter du terrain d´aventure qu´offre la Colombie pour ouvrir des canyons, des voies d´escalades et même des grottes ! Nous ne programmons donc pas d´ouverture cette semaine. Nous allons plutôt reconnaitre les différents parcours proposés pour nous faire une bonne idée du tourisme d´aventure dans la région de San Augustin. Le canyon de la Muralle est en effet, et de loin, le premier produit se rapprochant le plus d´une activité canyon et proposé par une boîte. L´accès, à travers un champ de café, est facile. La descente se constitue d´un enchainement de 7 cascades d´une bonne hauteur, sur amarrage naturel (arbre, palmier, tronc en travers, racines). Le cadre est magnifique. Comme a son habitude, l´oiseau barranquero nous accompagnait toujours. La première grande cascade vaut vraiment le détour et un encaissement sur l´avant dernière cascade est particulièrement émouvant. C´est tellement ce qu´on cherche : de l´encaissement, qu´on s´y sent bien, à notre place de canyoniste ! Il manque comme d´habitude quelques sauts et toboggans. L´intérêt de la Muralle c´est qu´on peut proposer un produit canyon à la journée avec de vrais beaux rappels qui s´enchainent dans des beautés différentes. Toutefois, sans aménagement, l´encadrement dans ce canyon y est délicat. La descente sur arbre a ses limites, ils se sont visiblement détériorés depuis le dernier passage du Cena. Un palmier en fin de vie laisse songeur, une cascade présente une roche instable, un chaos de végétation en milieu de parcours nécessite un grand nettoyage et une éducation environnementale aux Finca du dessus s´impose ! L´eau est polluée, le cours d´eau est lamentablement jonché de bouteilles de pesticides, ça m´écœure. Malheureusement le guide Miguel n´était pas très motivé à l´idée de nous accompagner dans cette descente. Dommage, nous aurions bien aimé voir quel arbre il choisit ! Et nous sommes curieux de voir les techniques qu´il utilise.

La Muralla

Vendredi 13 janvier

Nous avions un autre canyon de prévu mais nous avons entendu parler … d´une grotte ! Alors ça, ça nous manquait grandement ! La grotte de Naranja, chez Yamid Salamanca. On a un nom de grotte, et le nom d´une personne. Avec ça, on devrait s´en sortir ! Il a été impossible de louer une moto dans le sud du pays, il parait que les gens sont beaucoup moins confiants que dans le triangle du café. Il parait aussi que ça viendrait de leurs racines plus proches des indigènes. Ils ont aussi beaucoup moins le sens du commerce. Pour ces deux raisons on n´a pas pu louer une moto sans 1 million de pesos de caution et $60.000 de location par jour ! Alors qu´à Cartago on a une moto sans caution ni même sans laisser le passeport et pour seulement $15.000 par jour ! La nuit et le jour ! Encore heureux que ces camionetas sortent de tous les côtés et desservent minutieusement toute la région !

Nous trouvons, après un peu de recherches, la Finca de Yamid. Au sommet d´un colline, parmi des champs de café et de canne à sucre, Yamid nous indique le chemin de sa Finca, avec son sourire généreux, sans même se présenter. J´ai dû demander une vingtaine de fois « Vous savez où habite Yamid ? Il parait qu`il y a une grotte chez lui. » Suite à ma requête j´ai collecté une bonne dose de réponses hétéroclites :

« Ah Yamid, vous continuez en bas, après la maison en ciment, puis l`autre abandonné, il habite là. »

« Yamid ? Non Yesid ! Oui, vous y êtes c´est juste là dans 10 minutes »

Puis une heure de marche plus tard :

« Mais non, le Yamid il habite là-haut au croisement il faut prendre à droite ! »

« Mais on m´a répété de prendre à gauche » je désespère

« Anaîs, tu es sûre parce que Alto Naranjo c´est vers en haut ! » me fait douter Uva

Puis enfin

« Yamid ? Oui, il habite au-dessus de chez moi » nous soulage une gentille jeune femme de Finca. « Vous avez qu`à traverser par mon champ, ça sera plus court ! »

Nous traversons le champ en question, en nous plaignant de ces abruptes côtes si particulières au champ de café. Je fais justement la réflexion à Fred que les hommes, chargés de ces sacs de 20 kg de café, doivent avoir des mollets bien gonflés ! Au détour d´un paquet d´arbustes, un homme est justement devant nous, en bottes, pantalon, chemise, un de ces gros sac de récolte chargé à l´épaule, avançant sans broncher.

Je raccourci ma phrase habituelle

« Vous savez où habite le propriétaire de la grotte ? »

L´homme nous accompagne alors jusqu´à une Finca, silencieux et souriant.

La Finca est une vieille mais charmante bâtisse d´un blanc poussiéreux, au beau milieu d´un champs de canne á sucre. Une cinquantaine de gallinacés coquettent et picorent, les chiens nous accueille en sautillant, femmes et hommes sortent de la maison pour nous saluer. Une de ces femmes m´a plus marqué que les autres : elle était habillée d´un legging et d´un haut coquet, avec en guise de ceinture, une machette nouée autour de la taille. L´homme s´assoient sur le plancher de bois et nous invite à nous décharger :

« Alors, qu´est-ce qui vous amène ici ? »

Sentant que nous approchions grandement du but, je répète une dernière fois notre requête à cet ultime interlocuteur qui, de son sourire malicieux, semble savoir où dégotter ladite personne.

« Nous cherchons un dénommé Yamid Salamanca » lançais-je une dernière fois

Le sourire malicieux n´était pas vainc, sa complicité est communicative :

« C´est moi »

« Ah ben enfin » nous soulageons nous de concert.

Et à nous de nous assoir sur un bout de plancher pour souffler un peu.

Yamid nous partage le récit haletant de l´exploration de la grotte et, la matinée approchant de midi, une des dames nous fait nous asseoir dehors pour manger. Nous nous retrouvons à nous rassasier du repas typique de la Finca : limonade, soupe avec quelques abats et légumineuses, plat avec riz, banane plantin, crudité et œuf au plat. Au moins dans les fermes on mange largement à notre faim !

Yamid nous clou le bec : il dit avoir exploré la grotte avec des bougies, et fait les rappels avec une corde en chanvre à la force des bras avec son frère.

« Nous sommes parvenus au fond » nous soutient-il.

Pas que j´en doute, mais s´il y a des rappels comme il le dit, comment est-ce possible ? Il doit y avoir des prises pour les pieds ! Il nous décrit avec perfection le cheminement de la grotte si bien qu´après exploration, il n´y aura aucun doute possible si leur récit est véridique … ou pas !

Nous sommes rassasiés. La famille prend soin de remplir notre bouteille d´eau avant de repartir. L´eau avait goût de feu de cheminée. C´est certainement de l´eau de rivière, ou de l ´eau de pluie qui, une fois bouillie, est alors stérélisée.

Repas a la Finca

Nous entrons dans la grotte sur les coups de midi. Les deux frères, la trentaine, nous accompagnent jusqu´à l´entrée. Ils sont ravis de voir « des spéléos » s´intéresser à leur trouvaille. Nous nous changeons à l´entrée. Je suis un peu gênée de mettre autant de matériel alors qu´ils sont soi-disant descendus à la bougie et à la corde en chanvre. « Nous sommes suréquipés » pensais-je alors en nous regardant tous les trois. « Est-ce qu´on a vraiment besoin de tout ça pour visiter cette petite grotte ? »

L´entrée est sublime. Je ne m´attendais pas une entrée type caverne mais plutôt à un trou étriqué à peine visible dans le sol, suite à un mauvais récit dont on m´avait fait part. La grotte est un porche de calcaire, couvert de végétation, de la taille d´un homme, dans lequel s´engouffre un cours d´eau, au milieu de la forêt.

Nous sommes surexcités et ne perdons pas une minute de plus. Je lance les hostilités en provoquant une nuée de chauve-souris et de suite je partage le regard de mes camarades : Mon Dieu l´odeur est nauséabonde ! Et c´est loin d´être l´odeur des chauves-souris mais plutôt celle d´une bouche d´égout ! « Me dit pas qu´on va se baigner dans les chiottes de la Finca » confessais-je à Fred qui me suivait de près. Nous sommes alors à plat ventre dans ce cours d´eau, la formation de la roche est jolie et nous arrivons rapidement en tête du premier rappel de 15 mètres. Il y a un clou et deux maillons de chaîne en guise d´amarrage. Amid nous avait bien dit que la grotte était « équipée » ! On se demandait comment ils avaient fait sans perfo, c´est sûr que ça change des placards à spit qu´on trouve en France ! Ceci dit, c´est agencement, aussi ingénieux soit-il, provoque un gros frottement et je prends soin d´installer un morceau de dynema autour d´un petit pont de roche pour franchir ce premier rappel on-ne-peut-plus arrosé ! C´est sûr c´est pas la douche la plus hygiénique qui soit mais quand on a soif d´aventures …. !

Dès ce premier obstacle franchit je ne peux m´empêcher de m´étonner : Comment ces gars ont- ils pu remonter ce puits, à la seule force des bras ? Et la bougie sous la cascade elle ne devait pas restée allumée bien longtemps ….

Nous poursuivons. La grotte est pleine de chauves-souris et le guano forme des petites collines noires. Il ne doit pas y avoir de crues bien souvent pour nettoyer tout ça ! Le cours d´eau est plein de résidus, de flacons en plastiques, bouteilles, de bottes et de chaussures emportées par le courant et bloqués là, à souiller les entrailles de la terre. Ça me fait tellement de peine de voir ça. La roche est somptueuse : un marbre foncé un peu déchiqueté, avec de belles concrétions. Un passage bas nous fait progresser à quatre pattes puis nous débouchons dans une salle de bonnes dimensions et la suite se fait en couloir d´égyptiens. Nous remarquons quelques pistes d´explo pour le retour mais il n´y a pas de quoi se perdre : nous suivons le cours d´eau qui forme à plusieurs reprises des petites cascades jusqu`au final, un puits de 10m puis un autre de 7m. Normalement le cours d´eau siphonne juste après mais on n’en aura jamais la certitude car il nous manquait … les 7 derniers mètres de corde ! Je ne vous dis pas dans quel état de frustration nous étions de voir la suite se dessinée là, sous nos yeux, et de ne pas pouvoir y aller ! On ne pouvait pas plus, les 7 mètres étaient un puits bien vertical. Désescalader était un peu osé. Contrairement à Yamid et son frère, qui ont une notion de l´engagement beaucoup moins limitée que la nôtre, nous avons choisi de faire demi-tour. Mais l´expérience était belle. Nos explorations sur les côtés n´ont rien donné et la roche était, de plus, si friable que lors d´une tentative de Fred, un bloc de 2m carré est parti sous son pied. Ça va qu´on était pas dessous !

Cueva la narnja

Nous avons dû prendre une bonne inspiration avant de nous attaquer à la remontée sous la douche et 3 heures plus tard, nous étions dehors, à nous rincer à poil à l´eau de pluie ! Yamid nous attendait avec un café (et le leur !) pour chacun. Il voulait nos ressentis ! J´en suis encore bluffée !

Entrée de la cueva narnja

Amid aussi veut savoir comment ça a été ! Et aussitôt rentrés, nous échangeons autour de quelques bières en faisant déjà les plans du lendemain : il parait qu´un mec a découvert une grotte à 1h d´ici. Nan mais décidément ça n´arrête pas ici ! On va rester !

« Ça vous dit d´y aller ? »

« Si ça nous dit ! Bien sûr, on y va demain ! »

Quelques renseignements pris à droite à gauche et nous sommes d´accord : RDV demain 6h30 au bus. On prend le perfo, et un baudrier pour son pote, Amid prends des bouts de corde, des lampes. On met le réveil à 5h30, mais j´en dors pas de la nuit ! Comment elle sera cette grotte ?Je tourne et je me retourne, empêchant Fredo de dormir, j´attends impatiemment que le réveil sonne pour préparer les affaires !

Samedi 14 janvier

5h30

TU RU TU RU TU !

« Fred, c´est l´heure ! »

Le soleil se lève sur notre perchoir, j´adore cette vie !

Nous filons de camionetas en camionetas, le jour se faisant, jusqu´au village de Timana, le plus vieux village de la région ! Il a 450ans. Et pour un village ici c´est vraiment vieux, ça date de l´époque des colons. Sur la place centrale une statue attire tous les regards : la Gaitana, la Cacita, une femme indigène symbole du courage.

Lorsque les Colons sont arrivés, ils ont souillés sont village puis ont tué son fils. Nerveuse et pleine de rage la Gaitana s´est prise à un Espagnol et l´a trainé sur la place par la bouche, accrochée à un gros crochet. Quand se fût fait et que tous les colons l´eût bien vu, elle l´égorgea. Puis, de peur d´être torturée ou de devoir témoigner des autres horreurs dont étaient capables les colons, elle courut jusqu´en haut du plateau du Pericongo, ilot surélevé et formant un plateau à 200m de haut, emblème géologique de Timana, d´où elle se jeta. Cette femme est désormais l´incarnation du courage.

Nous moyennons avec des jeunes de la place du village de nous emmener en moto à la Cueva de Santa Clara. Les deux frères sont contents de notre requête et nous conduisent à la grotte, à 20km de piste de là, avec grand plaisir.

La Gaitana

Le jeune homme qui me conduit est ravi de voir que des étrangers s´intéresse à sa région et notre trajet en moto laisse rapidement place á un témoignage des atrocités que faisait subir jusqu´à récemment les guérillas aux villageois. Il y 20 ans de ça, alors qu´il n´avait que 7 ans, une guérilla est arrivée pour installer le camp dans sa ferme. Le chef s´est adressé à la mère de Brian en demandant le mari. Il voulait loger et nourrir ses 80 membres. Bien sûr la Finca ne pouvait pas répondre à pareille demande et rapidement le chef s´est mis en colère. Il a alors tué un des fils de la femme, puis kidnappé la sœur de Brian, dont on n’a aujourd’hui aucune nouvelle. Brian, à sept ans, ne voulait pas se séparer de sa sœur, et s´est pris pour la peine une balle près du ventre.

Je me demande parfois pourquoi ce pays subit-il à lui tout seul autant d´injustice, autant de conflits, autant de haine.

C´était il y a 20 ans. Aujourd´hui la situation s´est bien améliorée. Le village vit en paix. La carte du gouvernement sur la sécurité en Colombie progresse, les frontières des guérillas reculent. Mais le combat n´est pas encore gagné et on sent encore beaucoup de volonté de vengeance dans le cœur des habitants.

La grotte est quant à elle un endroit tout à fait paradisiaque ! On ne s´y attendait pas ! La rivière de Santa Clara est puissante, son large lit nous permet de juger de la férocité des crues ! Elle coule dans du granite ! Nous étions bien étonnés d´en trouver ! Nous descendons les rivières et ces énormes blocs de granites quand nous apercevons à droite, un affluent qui arrive en cascades. J´oublie la grotte et de suite je repense au canyon : Ouah, cet enchainement paradisiaque, cette eau cristalline (pas un déchet !), ça pourrait être une super trouvaille !

Nous remontons sur le rive droite de l`affluent pour finalement voir ces cascades jaillir … de la falaise ! À 15m au-dessus du sol ! C´est dément ! Alors comme ça il s´agit d´une exsurgence ! On ne s´y attendait pas ! Pourquoi est-ce qu´on ne nous donne jamais les informations principales ? Mes papilles salivent d´avance à l´idée de cette exploration ! Et je sens que celle de Fred, Amid et Javier aussi !

Nous nous répartissons l´équipement sous un beau soleil et remontons l´échelle de guadua jusqu´à la grotte. Bien sûr une pareille résurgence c´est l´idéal pour capter l´eau, et l´échelle permet d´accéder à la chute … et à tous ces tuyaux. Ils sont chauds les paysans du coin ! Parce que tout ça, ça tient pas à grand-chose ! Ils ont installé un câble en guise de main courante. Le câble est attaché à une colonne de pierre fissurée d´un côté, et de l´autre il est tellement effiloché qu´il ne tient plus que sur un brin ! Si y´en a un qui se vautre, c´est le bonhomme et tous ces tuyaux 15m plus bas !

Nous prenons donc soin d´aménager une belle main courante ascendante pour assurer notre propre sécurité jusqu´à l´entrée.

La grotte n´a rien à voir avec celle de la veille. Cette rivière souterraine s´est formée dans un calcaire tendre, blanc. Les parois sont lisses mais elle fait la même longueur : pas plus de 500m. Nous sommes très étonnés de la quantité de chauve-souris que nous estimons à au moins 500. C´est vrai qu´ici les grottes sont chaudes, ce qui favorise la colonisation du petit mammifère. Nous avons dû exposer nos poumons une bonne dizaine de minutes à respirer les tas de guano dans les premiers méandres. Amid nous apprends alors qu´ainsi exposé nous pouvons contracter une des formes de l´histoplasmose, une maladie des poumons provoquée par l´inhalation des spores du champignon qui détruit le guano. Alors on se protège le nez avec nos gants. Ca filtrera un peu. La grotte est très jolie et surtout : elle est parfait pour l´encadrement ! Les formations sont jolies, il y a quelques petites concrétions et même … des crabes dans le cours d´eau ! Première fois que j´en vois en spéléo ! Nous remontons jusqu´au siphon où les dernières chauves-souris avaient trouvé refuge. Il n´y a malheureusement pour nous aucune explo à faire. Nous explorer les moindres recoins : réseau actif, réseau fossile. Et au grand soulagement de Javier, qui faisait de la spéléo pour la première fois et qui nous prends pour des héros, nous ressortons. Peut-être que lui aussi va se réveiller, essoufflé, comme Uva hier soir, en pensant qu´il était encore sous terre. Ca les rends dingue de savoir « Qu`on puisse aller sous terre, qu`il y a un monde ». Pour Uva aussi c´était la première fois.

Nous nous accordons quand même le plaisir de descendre la cascade de la résurgence en rappel. Elle est jolie, dans sa coulée de tuf !

Grande premiere pour Javier!

Quelle journée chargée en émotions … Nous rentrons le soir tard, il se met à pleuvoir et malgré le froid je m´endors à l´arrière de la camioneta jusqu`à San Augustin.

Dimanche 15 janvier

On s´accorde la grasse mat du dimanche ! Et celle-ci elle tombait pile poil. Entre le cours d`eau pollué de la première grotte (Yamid disait que ce n`était pas les égouts de la Finca du dessus, parce qu`ils ont une fosse septique, mais une de ses juments qui était morte dans le cours d´eau) et les tas de guano de la deuxième, j´ai choppé la crève. Incapable de me lever du lit sans avoir la nausée. J´ai dû écraser 15 heures de sommeil sans entendre la moindre planche grincer !

Ça craint ! Surtout que c´est l´anniversaire de Fred aujourd´hui ! 24 ans !

Nous profitons de la journée beaucoup plus tranquillement que les autres jours : on prend une moto-taxi pour aller voir le canyon de Magdalena à son endroit le plus étroit : el estrecho. C´est joli. La roche est taillée par la force de ce puissant fleuve. Dire que ce passage se descend en kayak, ça donne envie !

La force de l'Estrecho de Magdalena nous impressionne tous

Le soir nous retrouvons Uva et Marie dans la pièce commune de chez Cristian. De nouveaux habitants sont arrivés, dont un très talentueux guitariste espagnol. La musique embaume cette soirée d´anniversaire entre les guitares et les flutes. Uva et Marie chantent le plus beau Joyeux Anniversaire qui soit, sur un air de musique indigène et plein de vœux sincères. Nous offrons à Fred un petit cadeau qu´il lorgnait déjà depuis sa toute première rencontre avec Uva : une Quena, une flute andine taillée dans de la canne (à sucre). En espérant qu´il puisse nous ramener ses jolies notes jusqu´en France pour pouvoir les partager. La Quena est un instrument qui touche la sensibilité de tout le monde. Ses notes sont profondes et font jaillir des sentiments dont on ne s´attends pas.

Uva, Fred et leurs Quenas!

Lundi 16 janvier

Amid nous a chouchouté aujourd´hui, avec cette splendide (et sportive !) descente en raft sur la géante Magdalena. Luna nous rappelait Monica, avec ses yeux pétillant, son rire et ses clins d´œil complices ! Nous avons fait une pause déjeuner avec le groupe sur les rives du fleuve. Amid avait prévu pour chacun un tamal. Ce plat typique du Huila enveloppé dans une feuille de bananier est constitué de riz, de maïs, de manioc, de pomme de terre, de petits pois et d´un bout de poulet. A manger avec les doigts. A moins que vous ne préfériez l´autre plat typique local : le cochon d´inde (De la part de Fred « Il a bon goût ton chien Jérôme ! »)

Les rapides du Magdalena

Et Amid nous réserve encore des surprises : dans quelques jours il y a le Festival de l´Eau dans le Caqueta, c´est tout frais payé par le Maire de San José de Fraguas, qui cherche á développer le tourisme via le tourisme d´aventure par chez lui ! Quelle aubaine ! Amid nous a aussi donné le contact d´un certain Jorge qu´il faut absolument qu´on connaisse. Il est du département du Putumayo, plus au Sud, le dernier avant la frontière avec le Pérou. Je l´ai eu au téléphone, il est guide de canyon et il bosse lui aussi sur la nouvelle norme des sports de nature en Colombie. On va peut-être pouvoir bosser ensemble. Et puis, avant qu´on parte, il faut aussi qu´on rende la pareille à Amid à San Augustin, pour toute la gentillesse avec laquelle il nous traite ! Et je ne vous parle pas des RDV de Février que nous avons enfin décrochés à Bogota avec le Ministère ! Le projet prend de l´ampleur !

Par contre pour vous donner des nouvelles de la formation que nous avons proposé à Salento : elle n´a pas pris, on n’a pas eu de participants (malgré ma fine sélection) alors on a du annuler, ou plutôt reporter. On va retenter un essai en février. Un mal pour un bien, puisque finalement on va se retrouver au Festival de l´eau á faire de super rencontres ! Ça fait du bien quand « tout roule » !

Les aventures continuent alors dans le sud du pays. L´Expédition n´aura jamais été aussi loin !


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