L’Expédition quitte ses fonctions pour deux semaines ! Vous entendrez peut-être parler de nous à l’autre bout du pays, mais ça ne sera pas dans les canyons (normalement) …
Mes amis depuis toujours, Yoann et Amandine, ont profité de notre Expédition sur ces splendides terres colombiennes pour venir vivre un bout de l’aventure avec nous ! Et au final, c’est nous qui avons vécu un bout de l’aventure avec eux !
Yoann c’est mon compagnon de cordée depuis toujours, nous avons fait depuis des années beaucoup de voyages ensemble, beaucoup de Roadtrip. On sait l’un l’autre comment on fonctionne, et ce qu’on aime. Amandine en revanche, c’est la première fois qu’elle s’embarque dans un voyage d’une telle sorte, et elle appréhende un peu. Où va-t-on dormir ? Combien ça va coûter ? Est-ce que c’est dangereux ? Et vous, ne m’embarquez pas dans des aventures de maboules hein ? Qu’est-ce qu’il faut comme vaccin ? C’est vrai que l’image médiatisée de la Colombie dans le monde est peu rassurante pour les voyageurs novices.
C’est donc avec grand plaisir que nous nous les retrouvons dans un bar de Bogotá, une Club Colombia à la main : ils ont déjà tout compris !
Passée l’effusion des retrouvailles, leur hâte de savoir comment a été notre vie sur ces terres nouvelles, nous entamons rapidement le sujet qui nous titille le plus : Alors, on va où ?!
Ils ont beau n’être jamais venus en Colombie, ils savent déjà ce qu’ils veulent faire. Alors nous qui avions prévu de partir descendre les canyons avec les copains du Tolima, de leurs faire vivre leur première ascension à un sommet de 5000m dans le Quindio, de découvrir les eaux chaudes des volcans puis d’aller finalement jouer dans les vasques calcaires de Buga, Valle del Cauca, eux nous ont retourné le programme comme un champs de taupes !
A la place de partir dans les Cordillère à l’Est, je sens que nous allons virer plein nord vers la côte caribéenne ! Alors ça pour un retournement de situation. Laissez moi juste le temps d'avaler la pilule, parce que c’était pourtant bien certain qu’on ne mettrait pas les pieds là-bas Fred et moi : c’est loin, c’est hyper touristique (ahh la foule…), c’est cher, il y a bien encore quelques reliefs, mais notre seul terrain de jeu dans la géante Sierra Nevada de Santa Marta est interdit d’accès par les Indigènes.
Ils nous prennent au dépourvu….
« Les gars je sais pas si vous vous rendez compte, mais les Caraïbes, c’est pas la porte à côté ! » les informais-je le matin, en prenant le café à l’auberge. Nous n’avions pas réussi à convenir d’un programme fini la veille.
« Mais c’est pas grave, tu sais que les transports font partie des roadtrips ! » contrecarre Yo
« Oui mais Yoyo là ça revient quand même à traverser la France pour quelques jours, c’est abusé ! » insistais-je
« Moi je fais ce que vous voulez, à condition qu’on passe d’abord chez Jesus faire des photos pour mon Expé » intervient Fred.
Tiens, Fredo commence à craquer pour aller aux Caraïbes alors …
La Bourse Expé c’est une bourse très connue en France qui donne une bourse d’expédition de 5000€ à 5 projets : un projet par continent. Le projet doit présenter une Expédition en Alpinisme, Escalade, Spéléologie ou Canyoning. Expé aime l’aventure, le suspens, l’engagement, l’adrénaline comme on l’aime. Les dossiers sont à rendre pour le 8 mars, on est le 13 février mais y’a du boulot, en commençant par le fait qu’on a pas d’équipe, et pas de canyon excitant à présenter !
De mon côté, Yo et Amandine sont venus nous voir, et il est hors de question de les laisser faire le roadtrip tous seuls. Mais les Caraïbes quand même, sur un séjour de si courte durée, ils en ont des idées farfelues !
« Vous savez la Colombie c’est pas vraiment les Caraïbes, c’est une biodiversité de fou, c’est la forêt humide tropicale, c’est les lacs, les cordillères, le Paramo et les glaciers, l’altitude mais aussi le Pacifique, les frontières avec le Venezuela, le Brésil, l’Equateur, le Pérou. Je suis sûre que si on reste dans le coin (Triangle du café) vous ne serez pas déçus de découvrir la Colombie comme on la vit nous… » Je sortais mes meilleurs arguments. Je voulais leurs faire vivre la Colombie à notre manière : dans la montagne. En fait ce n'est pas vraiment ce que je veux exprimer. Ce qui me gène c'est le "Pourquoi venir en Colombie si c'est pour aller aux Caraïbes?" A ce compte là, si c'est pour faire de la plage,autant aller directement à Saint Barth!"
Alors il est difficile de faire descendre un montagnard de sa montagne, mais il est encore plus dur d’enlever une idée de la tête d’Amandine et Yoyo !
Pas de réponse, ils n’approuvent pas mon discours argumenté. Je tente le discours rationné et chiffré, qui devrait faire flancher Yo.
« Ok, alors vous êtes prêts à perdre un jour et demi de transport aller pour voir les Caraïbes. Soit, sur 14 jours, vous ferez trois jours de transport, c’est abusé, imaginez ce qu’on peut faire en trois jours. »
Argument non validé.
« Amandine veut vraiment voir les Caraïbes. On pensait donc partir de Bogota et remonter en saut de puces à travers le Santander jusqu’à la côte. Mais si vous voulez, on va au Caraïbes tout seuls c’est pas grave on est prêts !»
Y’a rien à y faire, faut s’adapter !
Le Santander est donné pour être la capitale du sport d’aventure en Colombie. Ça nous va bien, il fallait qu’on y passe. Jesus, un grand spéléo reconnu en Colombie, notre QG pour monter la bourse Expé, habite justement « sur la route ». En calculant bien, on va pouvoir satisfaire tout le monde. Nous, on a un autre RDV très important le 27 février à Bogota, jour où Amandine reprends son vol (Yo fera durer le plaisir jusqu’au 5 mars). Il nous faut nous organiser selon ces échéances.
« Bon, ok, ok, ok. Fred, t’en penses quoi ? »
« Moi je veux boucler le dossier pour présenter la bourse Expé 2018. » lance Fred, d’un ton ferme. Puis sur un ton plus doux « Après ça je veux bien aller où vous voulez. »
Moi, partisane du surf sur la vague, j’opte aussi pour une philosophie qui consiste à profiter de la vie comme elle se présente. Alors après tout, pourquoi pas …
Voilà comment j’initie notre nouveau carnet de bord, et que je partage avec vous ces magnifiques clichés pour découvrir ensemble, les plus beaux recoins de la Colombie.
14 février
Le vol Bogota- Santa Marta est assez agité. Il faut avoir du cran pour piloter en Colombie. La météo est tellement perturbée que le pilote doit contourner les cumulo-nimbus, nous frôlons orages et éclairs, les turbulences se succèdent mais le spectacle est magnifique : nous jouons littéralement dans les nuages. Nous arrivons à Santa Marta dans une chaleur moite différente de celle du sud du pays. Après ces séjours dans l’agréable fraîcheur de l’altitude, on est rapidement mis dans le bain des Caraïbes ! Et l’ambiance se confirme quand, quelques heures plus tard, nous sirotons notre bière sur la plage. Qui l’eût-cru que l'Expédition prendrait un tel virage !
La côte est si touristique que, pour la première fois du séjour, nous nous croyons en Europe. Les étrangers pensent être en Colombie, mais en réalité tout est conçus pour répondre à leurs codes culturels, tout est tellement conçu pour leurs faire plaisir (restaurants, hôtels, bars) qu’ils ne se rendent même plus compte qu’au final ils ne partagent pas avec les Colombiens, pays qu’ils sont pourtant venu découvrir. Mis à part les serveurs et les vendeurs ambulants, il n’y a plus de Colombiens sur la plage ! On se fait chouchouter (je déteste ça) et les prix sont exorbitants. Il y a des groupes de musique, personne ne semble se rendre compte du subterfuge.
15 février
Nous avons tout de même réussi à trouver une auberge assez sobre et pas trop cher à Taganga, petit village de pêcheur dénaturé par le tourisme de masse qui devait encore avoir son charme il y a 10 ans, date de parution de notre guide touristique. Il y a la possibilité de dormir en hamac dans le patio, ou de prendre un dortoir à quatre, pas beaucoup plus cher, et de s’éviter ainsi les vas-et-viens.
Ici le paysage est incroyablement aride. Les cactus ponctuent le relief qui sépare Taganga de Santa Marta. Historiquement, Santa Marta a été connue pour défendre la couronne bec et ongle, contrairement à sa voisine Cartagena, symbole de la résistance pour gagner la liberté. Les Colombiens ont une peau beaucoup plus foncée ici, il y a aussi beaucoup plus de blacks. Tout le monde parle plus fort. Les rues sont occupées par les nombreux étalages de poissons, tués et vidés sur place. Nous changeons de régime alimentaire : finies les saucisses et la viande de bœuf, nous profitons maintenant des fruits de mer, du poisson et du ceviche. Même la bière est différente : pendant notre séjour sur la côte nous nous désaltérerons à la Nevada, la bière artisanale produite dans la Sierra Nevada de Santa Marta.
Ce petit village de pêcheur est niché dans une crique qui, ces dernières années, connaît un développement touristique effréné. Pour notre première journée je les initie au jus de lulo frais (goût similaire au Kiwi) et à la négociation. Il parait qu’on peut nous emmener en bateau à moteur à une plage déserte à 20min de là. Ça me va, au moins on ne sera pas dérangés (on dirait que je suis une vraie insociable !), on pourra se remettre de nos émotions du changement de programme, et profiter sereinement de ces retrouvailles.
La crique est effectivement déserte. Il reste une cabane en bois qui tient par la magie de l’équilibre, au centre de laquelle se trouve l’emplacement d’un feu de bois pour griller le poisson. Quelques bâches sur des poteaux en bois juxtaposés nous protègent de l’intensité du soleil et devant nous : la mer, et rien d’autre.
Un calme reposant. On mène le temps d’une journée une petite vie de Robinson Crusoé. L’un de nous fabrique des hamacs en se satisfaisant des draps que nous avons amenés et des bouts de corde des pêcheurs, l’autre part observer les poissons et le corail avec le Palme-Masque-Tuba que nous a laissé le capitaine, le troisième part pourchasser les gros lézards arc-en-ciel. Et moi je m’endors contre mon gré.
Je relâche clairement la pression de l’Expé qu’on s’inflige nous-même. Fred et moi sommes assez têtus et sévères envers nous, c’est une rigueur commune que nous avons en nous qui nous permet de réussir et de ne pas (jamais) lâcher le morceau, mais qui nous épuise aussi.
Finalement on peut le dire : On est enfin en vacances ! J’ai l’impression de me dégonfler comme un soufflé !
Nous admirons notre premier coucher de soleil sur la mer depuis la plage. Les bateaux sont aussi immobiles que les cactus. Ce soir Philippe Rufin, un guide de canyon du Verdon expatrié l’hiver en Colombie, nous balade dans les bars des rues piétonnes de Santa Marta. La ville est animée. De nombreux groupes de musique et d’artistes exhibent leurs talents contre quelques pièces. Nous essayons d’extirper des infos de canyons à Philippe mais ça fait longtemps qu’il n’explore plus la région. Philippe est aussi kayakiste. Devant notre soif d’aventure évidente, il nous recommande de faire un tour à Palomino :
« C’est la rivière qui bouge le plus dans la région. J’hésite à aller m’installer là-bas. Il y a une boite de raft qui peut vous proposer la descente mais méfiez-vous, ils sont gourmands… Ouf, il fait chaud ici, vous ne trouvez pas ? »
Nous gardons précieusement son conseil en tête. Le Parc National du Tayrona étant fermé, pourquoi ne pas pousser plus à l’Est effectivement.
16 février
Une journée de plage nous suffit pour … retourner dans les montagnes ! Nous allons visiter les belles vasques de Minca, à 15 kilomètre de Santa Marta. 15 kilomètres qui nous prennent … 1h30 de trajet. Ici le transport en commun c’est le Pajero V6, prêt à gravir les abruptes pentes des contreforts du sommet de la Colombie : le Pico Colon (5775m). Minca a de belles allures de canyon, on nous l’avait recommandé pour l’Explo, mais il faut s’y résoudre : il n’y aura PAS d’explo. Nous avons tout de même succombé à la tentation de remonter le cours d’eau. Une barrière « Propriété privée » plantée de part et d’autre du cours d’eau nous a empêché de remonter plus haut (illégal….le cours d'eau est propriété de tous, vous vous souvenez?) mais derrière, on parvient à deviner un encaissement et quelques chutes. Il faudra négocier pour revenir.
La zone est truffée de cascades. Nous en découvrons encore un peu plus haut dans la montagne. C’est définitivement une croix à rajouter à notre carte d’Explo.
17 février
Yo et moi nous étions promis qu’à chaque roadtrip, s’il y avait la mer, il fallait découvrir les fonds marins autant que les merveilles terrestres. C'est cet argument qui nous a mené à plonger. Le Parc National Naturel de Tayrona, bijou réputé de la côte, nous fait baver d’envie mais il est fermé pendant un mois pour la protection de sa faune et de sa flore. Impossible de s’en approcher ni par terre, ni par mer. Le centre de plongée nous emmène alors sur un autre spot. La visibilité n’est pas très bonne (10-15m), nous peinons à nous stabiliser dans le courant, mais malgré tout notre palanquée, formée de Yo, moi et Fredo, (Amandine a dû plonger avec un groupe d'Open Water) s’émerveille devant une multitude de faune des plus originales : poisson volant, serpent de mer, murènes, spirographes, poisson coffre, poisson vache, étoiles de mer sur disque, soles, raies, rascasses cachés dans les rochers, dans les épaves ou … dans les caddies ! Sommes toutes une bonne régalade et rigolade de retrouver les sensations sous-marines avec la personne avec qui j’ai appris à plonger il y a 5 ans déjà. Quant à Fredo, lui qui avait peur de ne pas pouvoir descendre à plus de 10m, il n’a eu aucun problème à nous suivre!
Sur les conseils de Philippe, nous prenons l’après-midi même le bus pour Palomino, en battant les Colombiens sur la quantité de bagages ! Nous avons dû condamner la porte arrière du bus, complet de voyageurs, pour entasser nos 4 gros sacs de nomades sur la machine à laver d’un des passagers. A côté de moi un jeune est déguisé comme un moine Tibetain, mais en blanc. Il porte un sac en bandoulière tressé aux motifs géométrique, il a de longs cheveux noirs. Je le regarde. Il me sourit mais ne dit rien.
Le bus longe la mer turquoise, séparée d’une fine langue de palmiers.
Le village de Palomino s’étend de part et d’autre de la route principale qui relie la côte caribéenne Colombienne au Vénézuela. Il fait nuit quand le bus nous dépose sur le bord de la route du village. Je suis ravie de voir que nous avons fui le tourisme de masse et de pouvoir vivre avec Yo et Amandine « la vraie Colombie ». Je me dis qu’en allant vers la plage on devrait trouver une petite auberge ou une pension chez l’habitant sympa. Fred, lui, pense plutôt louer des hamacs pour dormir sur la plage.
L’illusion est de courte durée.
On retrouve à Palomino le côtoiement de deux mondes parallèles.
Lorsque nous nous rendons vers la plage une ribambelle d’hôtels et de restaurants avec leur pancarte en anglais illuminent le chemin. Les racoleurs nous invitent à héberger chez l’un ou chez l’autre. Merde, c’est pas ce que nous espérions. C'est pas ce que j'espérais. Comment peut-il y avoir tant de touristes alors que dans les terres on n’en a quasiment jamais croisé ?
Alors que nous désespérions à l'idée de nous retrouver clouer dans un backpack fait pour les étrangers, la chance nous mène jusqu’au charmant petit terrain vague d’un gentil Monsieur: Carlos. Il est petit, il doit mesurer 1m55, il est frêle, sa peau est mate et fine, surtout sur son petit crâne chauve! Son bras droit est handicapé d’une rigidité mais cela ne l’empêche pas de nous saluer ou de travailler. Il est heureux de nous annoncer qu’il vient d’arriver dans les Caraïbes. Il a travaillé toute sa vie dans une Finca de Cordova, dans le Triangle du Café. Approchant maintenant de la soixantaine, il tente sa chance sur la côte pour avoir une vie un peu moins rude. Sa simplicité et sa joie sont communicative.
Il nous accueille sur son petit terrain vague en bénissant Dieu de nous voir arriver. Au fond du terrain, 5 hamacs flottent sous une moustiquaire, accrochés à l'armature en guadua d'un toit de tôle. C’est parfait ! Il a installé un petit coin cuisine et il a construit une grande salle de bain ouverte sur extérieure. Les murs sont en terre cuite et le sol en petits galets de plage. Il n’a pas encore l’eau courante. Il utilise comme beaucoup l’eau de pluie accumulée dans une grosse bassine d'eau noire située en hauteur, un petit château d'eau personnel collectant la pluie encore rare en cette saison. On tire la chasse d’eau en jetant un sceau d’eau dans la cuvette.
Ce petit coin est d’une simplicité harmonieuse. Il a commencé à planter quelques petites plantes. Un iguane lui tient compagnie.
« Ça vous va ? » me concertais-je avec le groupe, en croisant les doigts pour que ça convienne à tous, misant le tout pour le tout pour ne pas dormir dans un de ces backpacks. De nuit, son terrain est éclairé à la faible lueur d’une guirlande d’ampoules, mais je suis certaine que l’endroit est merveilleux.
« C’est pas sur la plage mais ça me va. » confirme Fred en s’installant.
« On va essayer » l’imite Yo, en espérant pouvoir dormir confortablement.
Nous nous tournons vers Amandine.
« Mmh, ouai, Ok, d’accord… »
Elle n’ose pas dire non.
« Don Carlos, est-ce qu’on peut juste utiliser cette chaise longue pour faire un couchage plus occidental à mon amie ? » fis-je pour lui enelver l'épine du pied. amandine fait déjà un effort considérable pour faire partie de l'aventure sans moucheter, elle a bien besoin d'un petit coup de pouce de temps en temps!
« Asseyez-vous, reposez-vous, posez vos sacs, je m’occupe de tout. » réponds gentiment Carlos.
Et dans l’instant il s’affaire tranquillement à démonter un des hamacs avec son bras valide pour installer un couchage plus plat pour Amandine. Malgré le hamac en guise de matelas, je crains que notre pauvre amie ne sente les planches dans son dos !
18 février
Nous nous réveillons à l’aube avec le chant exotique des oiseaux et, contrairement aux attentes de tous, nous avons merveilleusement bien dormi ! Les petits iguanes font des courses sous nos hamacs alignés. Le soleil s’est levé sur les monts enneigés de la Sierra Nevada. La mer est calme, ornée de palmiers et d’un collier de sable blanc où débouchent les rivières coulant directement de ces pentes abruptes. Le décor est sublime. C’est incroyable de pouvoir voir des glaciers … depuis la mer !
Sur les recommandations de Philippe, nous partons à la rencontre de Eco Aventura, la boite établie à Palomino. "Depuis plus de 15ans", nous annonce le gérant, pas peu fier de son avantgardisme sur la diversité des sports d’aventures et des tours culturels. Leur invention la plus largement copiée, et certainement la plus rentable, est leur activité « descente de la rivière Palomino en bouée ». Pour $15.000, vous pouvez vous laisser divaguer affalés sur une chambre à air jusqu’à la mer. Les motos transportent le touriste en amont de la rivière, en conduisant unis à leur client au milieu de la bouée !
Malgré les multiples offres, les mensonges et les forts rabais des différents prestataires de bouée, nous gardons notre idée en tête : on veut faire la descente en kayak de Rio Negro. Il parait que ça bouge ! La boite nous a semblé sérieuse. Pionniers, avec leurs années d’expériences, ils ont l’air sûr d’eux. Ils ont affichés à l’intérieur un descriptif de chacune des activités. Malgré quelques erreurs, Fred et moi sommes satisfaits de voir des explications aussi détaillées tant sur le rappel que sur le kayak, la marche ou les balades à cheval. Ils ont une police d’assurance, leur activité est déclarée à la Chambre des Commerces, les guides sortent "jusqu’à 3 fois par jour en kayak" nous rassure l'un des guides. Contrairement à ce que disait Philippe, nous payons un prix raisonnable ($60.000/personne, rabaissé à $50.000), une somme ridicule par rapport à la journée que nous allons vivre !
Avec tous ces éléments, nous partons enjoués et confiants à l’arrière d’une Willies. Nous avons fière allure avec nos vieux kayaks gonflables sortis d’une autre époque, décolorés par le soleil chargés sur le toit. Malgré que ce soient des kayaks deux places, le boss nous a attitré un jeune guide maigrelet par binôme. Je ne sais pas où ils vont monter !
Une heure de piste plus tard, nous arrivons au point de départ du parcours kayak sur le Rio Negro. La rivière est classée de difficulté 2 (sur 6), avec des passages en 3, de quoi bien rigoler. Nous enfilons le gilet et le casque, nous armons d’une pagaie double et sautons dans nos kayaks respectifs … avec le jeune guide à l’arrière ! Ouh là, c’est marrant mais comme il n’a pas de boudin pour se caler, il ne va pas tenir longtemps en équilibre. C’est parti ! trois coups de pagaies et l’équipe Amandine- Fred tombe à l’eau. Quelques mètres plus loin Yo et moi sommes retournés par un tronc d’arbre en travers de la rivière. Ça promet ! La descente est hilarante. Les guides, armés eux d’une pagaie simple, font des erreurs de manip nous mettant grandement en difficulté. Yo et moi formons une chouette équipe : lui fait le moteur à l’avant, moi je fais le gouvernail, dans les rapides on descend plein régime, et quand on entend « Plouf » à l’arrière on s’arrête pour récupérer notre guide tombé à l'eau, apeuré mais toujours de bonne humeur ! Lorsqu’il prend trop peur de tomber dans un rapide, il s’accroche de toutes ses forces avec ses jambes autour de ma taille et quand il s’approche de l’inévitable, il se raccroche à la capuche de mon gilet, m’étranglant au passage ! Le pauvre. A l’inverse, lorsque nous passons un rapide sans galérer et sans le perdre, notre jeune guide est si heureux qu’il pousse des Hourras et des cris de joie encourageants notre duo ! Ainsi, inspirée de nos descentes en raft, je félicite le trio en lançant, à chaque passage réussi d’un rapide, un « REMOS ARRIBA ! », où nous crions à l’unisson en frappant nos pagaies en l’air en signe de victoire.
Nos guides manquent d’expérience. Ils connaissent mal la rivière, ils n’arrivent pas à lire les mouvements d’eau ou les passages. Je soupçonne même le nôtre de découvrir la rivière en même temps que nous. Pour eux, leur boulot consiste à pousser le bateau quand il est coincé sur un rocher, au risque de le débloquer et de finir le rapide sur les fesses. Ils ne savent pas vraiment quoi faire de leur pagaie simple mais ils sont tellement innocents et heureux d’être sur la rivière que nous les dispensons de travail pour mieux profiter de la descente ! Yo et moi pagayons à plein régime, l’autre équipe fait pareil. La descente est fantastique ! Le manque d’encadrement pimente l’aventure. En France, sur une pareille rivière, jamais on ne laisserait descendre des clients comme ça.
Au terme de deux heures d’efforts intenses et de fous rires, lorsque je demande au guide si nous avons terminé le parcours, ce dernier m’avoue ne pas savoir où fini le parcours exactement. Les rôles s’inversent quand il nous demande à son tour si nous avons déjà descendu la rivière. Etonnée de sa question, je lui réponds par la négative. Alors son visage me renvoie mon étonnement : « Mais comment vous savez descendre la rivière alors ? » « Par devinette pardi ! » répondais-je mentalement. Encore heureux que Fred et moi avons fait du kayak et qu’Amandine et Yo n’ont pas froid aux yeux ! Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment se passe la descente avec le touriste-type, pas sportif. Mais je préfère supposer que tous les touristes qui viennent en Colombie ont une âme d’aventurier. En tout cas c’est confirmé, notre guide découvre la rivière en même temps que nous ! L’autre guide semblait justifier de plus d’expérience. A défaut de descendre la rivière trois fois par jour, il utilisait sa pagaie simple à meilleur escient et il donnait de temps en temps quelques leçons à son collègue.
Nous sommes accueillis au pont d’arrivée par une horde de gamins du village qui se ruent sur le kayak pour nous retourner et s’approprier nos pagaies. Nous faisons le ménage sur l’embarcation, jetant les petiots fous de rires par-dessus bord. L’ambiance est bon enfant.
De retour au village de Palomino, nous dédaignons la rue internationale et préférons manger à la cantine locale dans la rue principale de Palomino. Les jeunes hommes à côté de nous dorlotent leur coq, les préparant au combat. Nous avalons notre déjeuner en vitesse pour ne pas avoir à témoigner de cette torture populaire en Colombie.
Il parait que le trek le plus populaire de la Colombie c’est une randonnée de 5 jours à travers la forêt de la Sierra Nevada pour rejoindre la Ciudad Perdida, les vestiges de la civilisation indigène incorrectement dénommée aujourd'hui Les Tayronas. L’accès se fait accompagné d’un guide indigène qui veille à ce que le touriste respecte leur culture et leur environnement. Bien sûr nous sommes tentés par cette découverte mais, disposant de peu de temps, nous consolons en nous rendant à un village à 15 minutes de là, où a récemment été découverte une « mini-cité perdue ».
Portés par la curiosité, nous prenons le bus qui nous dépose à Don Diego. En chemin, un jeune garçon sorti de nulle part est monté à bord. Traits du visage émaciés, mince, agile, yeux noirs, peau mate et satinée. Il avait attaché lâchement ses cheveux longs noirs. Loin de renvoyer l’arrogance des jeunes de notre monde, je sentais en lui une jeune sagesse. Il me rappelait le jeune moine que nous avons rencontré dans le bus. Alors que je le regardais prendre place à côté de moi, il me renvoyait mon sourire. Il portait des bottes, un jean, une chemise en coton blanche et un sac tressé aux formes géométriques en bandoulière. Il a sauté du bus au milieu de nulle part, un peu avant San Diego.
La mini cité perdue est très peu connue. Aussi, il me semblait que les gens du village étaient presque surpris de notre visite. Nous, nous nous attendions à une banale visite de vestiges à peine visibles. Notre guide n’avait écrit qu’une ligne « ruines d’une mini cité perdue dans un jardin botanique ». Sur cette description peu valorisante, nous pensions boucler l’affaire en moins d’une heure et retourner siroter la Nevada sur la plage.
« Bonjour, je vous accompagne à Tayronaka ? »
« Mmh ? » De quoi est-ce que nous parle ce jeune villageois. Ça doit être ce qu’on cherche.
« C’est $25.000 par personne. » nous informe-t-il.
Parce que c’est payant ? Mais c’est quoi ce truc ?
Nous voyons hésitants ils nous pressent le pas :
« Dépêchez-vous de vous décider la dernière barque part à 16h. »
« Une minute jeune homme. C’est super cher ces ruines. Qu’est ce qui justifie ce prix ? »
Le jeune est étonné de ma question.
« Non, c’est pas cher je suis désolé. »
Nous sommes sur le point de faire demi-tour quand finalement le doute nous fait revenir sur nos pas. Pour $25.000 par personne, il doit y avoir quelque chose !
Un homme vient nous chercher en barque à moteur. Des petits patachorros détalent sur l’eau du Rio Diego. De grands arbres ornés de cheveux d’anges filtrent la lumière dorée du soleil couchant. Des oiseaux rouges et d’autres jaunes colorent de grands arbres blancs. Nous remontons la rivière toute lisse et la barque nous dépose en bordure de forêt. C’est alors que nous rentrons dans l’univers Kogi, un des 4 groupes indigènes descendant du grand groupe « Tayrona » peuplant la région à l’époque de nos ancêtres les Colons.
Une jeune fille nous accueille dans le jardin botanique et nous dirige vers un petit musée. En 2002, un capitaine de bateau passionné de botanique a acheté ce terrain pour réaliser son rêve de botaniste : reconstituer un jardin de toutes les fleurs de Colombie. Sans le savoir alors, il devient le propriétaire de Tayronaka, l’Eco-Lodge où nous avons atterri. En cultivant la terre il a découvert des ruines qui ont donné suite à deux ans d’archéologie. Ces fouilles ont révélé que sur cette propriété vivait un clan Kogi. Les ruines ont été remises à jour et un petit musée expose les riches trouvailles des fouilles : pots à trois pieds en terre cuites, petites statues anthropo-zoomorphes, bijoux en quartz ou en or, arcs, flèches, petites scènes de rituels sculptées au fond des récipients. Ces objets sont des témoignages des rites et d’un mode de vie qui est menacé et qui pourtant, caché dans les montagnes de la Sierra Nevada, existe toujours.
Les Kogi sont connus pour leur grande connexion avec la Terre, Mère nourricière. Ils s’habillent d’un grand vêtement blanc en coton. Les hommes portent dessous un pantalon blanc. La pureté du blanc représente la Mère nourricière. Notre guide nous disait, elle, que le blanc représente les sommets glacés de la Sierra Nevada, leur maison. Ils marchent pieds nus. Hommes et femmes portent les cheveux longs. Les femmes sont connues pour passer chaque moment de leur journée à tisser des « mochilas », des sacs tressés à partir de fibre végétales et aux dessins géométriques représentant divers éléments de leur spiritualité. L’anse du sac est suffisamment large pour porter le sac dans le dos, et répartir le poids de l’anse autour de la tête. Les bébés sont portés de la même manière. Les Kogi construisent leur maison sur une terrasse. La terrasse est construite de façon à protéger la maison des eaux de pluies. Ainsi, après avoir creusé une petite digue en cercle autour d’un terre-plat, les Kogi consolidaient la digue par un muret de pierre. Un village Kogi est organisé autour de la hiérarchie d’un groupe. Ainsi, les maisons située au sommet de la colline est destinée au Cacique, et les maisons suivantes étaient réparties par ordre d’importance : secrétaire, Chaman, etc… A côté du village, mais toujours en hauteur, on pouvait retrouver trois maisons : la maison la plus au centre est destinée à l’activité politique, où seuls les hommes prennent les décisions. Celle de droite est réservé aux réunions des hommes les plus importants et celle de gauche aux réunions des femmes les plus importantes. Les maisons sont des cabanes circulaires aux murs construits en terre cuite et le toit en feuilles de palme séchées. La maison possède deux entrées : une du côté du soleil levant, celle de la femme. L’autre du côté du lever de lune, celle de l’homme. Dans la culture Kogi, on considère que la maison a une âme. Aussi, la première chose que l’on fait en entrant est d’allumer le feu, le cœur de la maison. Au moment du coucher, l’homme dort dans son hamac tandis que la femme dort couchée sur le sol afin de se connecter au mieux avec la Terre et assurer une meilleure fertilité. On accède aux villages par des sentiers en pierre construit par les Kogi. Ainsi, la Sierra Nevada est parcourues de centaines de kilomètres de sentiers en pierre, dont l’un monte de la mer jusqu’à « la Cité Perdue », à 1200m d’altitude.
Nous avons eu la chance de visiter la « maison-temple » où les Kogis, bien qu’ayant abandonné ce village, se réunissent encore le soir pour prier. Lorsque nous entrons nous sommes surpris de voir une femme Kogi, assise par terre prêt de l’entrée du « lever de lune », un bébé dans les bras, en train de tisser une mochila. Il y a un feu qui crépite au centre de la maison. De l’autre côté, un homme est allongé dans un hamac à larges mailles, suspendu à quelques centimètres du sol. Nous sommes à la fois surpris et gênés de faire intrusion dans leur vie. Nous, vêtus de nos shorts, casquettes, lunettes de soleil, ne représentons aucune divinité, ne remercions la Terre d’aucune manière. Les Kogi ne parlent pas l’espagnol. Je me sens maladroite et je ne sais même pas comment les saluer. Eux nous regardent intensément, ils nous dévisagent. Dans la culture Kogi, nous sommes « les petits frères », c’est ainsi qu’ils nous désignent. Les petits frères sont ceux qui font des bêtises, ceux qui ont encore à apprendre de la vie, ceux qui détruisent aussi. Ils nous intègrent dans leur culture alors qu’il y a 500ans, nous les avons complètement anéantis. Je ne sais pas si nous serions capables de faire preuve d’une telle sagesse.
Nous continuons notre chemin sur le sentier de pierre et gravissons les 10 terrasses de cette petite cité. On comprend tous le sens donné par le guide d’une « mini-cité perdue » quand on sait que LA cité perdue comprends 179 terrasses, soient 179 maisons, perchés dans la forêt tropicale de la Sierra. Je bois les paroles de notre guide. Lorsque nous redescendons, par un autre sentier que celui qu’ils empruntent, pour ne pas les déranger, pour ne pas les « polluer », le père, son petit garçon de deux ans et une petite fille d’environ 6 ans nous attendent en bas. Ils sont adossés contre un pilier du musée. Ils nous dévisagent d’une intensité déconcertante. Le plus petit, avec son visage rond, sa petite coupe au bol et ses yeux en forme d’amande, vêtu de sa petite tunique blanche, est très attendrissant. Comme tous les enfants, on a envie de le croquer ! J’aimerai partager avec eux mais je ne sais pas quoi leurs dire. Est-ce qu’ils nous comprennent ? Gênés, nous repartons attendre la barque sur les rives du Rio Diego.
Alors que nous nous asseyons sur la plage de la rivière, et que nous partageons nos émotions sur cette belle aventure humaine, deux enfants passent pieds nus. Le plus grand tient un bouquet d’ « oiseaux du paradis » dans les bras tandis que le plus jeune défit un ennemi invisible avec sa machette. Ils nous lancent un coup d’œil avant de traverser la rivière. Elle ne leurs arrivent jusqu’au ventre. Ils savent exactement où traverser pour garder pied.
Plusieurs dizaines de minutes plus tard, un adolescent passe devant nous, pied nus lui aussi, avec son harpon et le fruit de sa pêche.
Puis en face, de l’autre côté de la rivière, nous distinguons un homme vêtu de blanc traverser la forêt à cheval. Il a une ceinture tressée autour de la taille et un chapeau. Lorsque notre guide nous rejoint pour rentrer en barque, elle nous informe que cet homme fait partie du groupe des Arhuaco. La rivière délimite les lieux de vie des deux groupes indigène. Comme si la journée n’avait pas encore été assez chargée en émotion, nous faisons le soir la rencontre d’un habitant de Palomino qui vit en vendant des souvenirs pour les touristes. Mais sa vraie passion, c’est de collecter les mochilas que les indigènes abandonnent lorsqu’elles sont trop abîmées. Il nous dévoile ainsi une belle collection de mochilas suspendues sur différentes guadua par genre : d’un côté celles des Kogis en fibre végétales ($60.000), au-dessous celles des Arhuaco en coton et de l’autre côté les plus chères : celles des Wayuu en laine de mouton ($250.000). De premier abord on ne remarque pas ces sacs usés, ayant servi plus de 10 ans ou 20 ans avoir d’avoir été mis au rebus. En entrant dans la boutique, on remarque d’abord les sacs du même style aux couleurs fluo : ces derniers ne coûtent trois fois rien, ils sont synthétiques et industrialisé, ce sont ceux qui se vendent le mieux auprès des touristes. Sur les autres étalages, cachés derrière, chaque sac à une histoire, une fonction, un symbole. Depuis des siècles les Kogis utilisent les mêmes teintes végétales. Dans une habilité impressionnante, les femmes passent environ 40 heures à tisser un sac tout en s’acquittant de leurs tâches quotidiennes. Les Colombiens sont très accoutumés à ces sacs, aussi nous les retrouvons d’usage à travers tout le pays. Nous perdurons ainsi une heure de plus dans la riche culture Indigène du grand groupe des Tayronas.
Si les Indigènes ont survécus, c’est grâce à leur force de caractère. Ils peuvent paraître très froids d’un premier abord, mais ils sont d’une loyauté exemplaire. Autant un non est définitif, autant ils s’engagent à honorer un « oui » quoi qu’il advienne. C’est grâce à leur force de caractère que la Colombie a décidé de les respecter et de les laisser vivre comme ils l’entendent sur leurs terres et leurs montagnes. En les respectant, l’homme « civilisé », le « petit frère », se doit de se plier à leurs mœurs pour entrer dans leur territoire. Aucune industrie, aucun argent ne pourra acheter leurs terres, ils sont incorruptibles. Il est cependant déplorable de savoir qu’aujourd’hui ils doivent cohabiter entre les guérillas et les narcotrafiquants qui ont voient ces terres sacrées idéales pour se planquer.
De retour à notre hébergement Carlos s’est endormi dans son hamac.
« Salut les jeunes, comment s’est passée votre journée ? » nous questionne Carlos de sa voix endormie
« Excellent, la région est vraiment formidable. On est tellement bien ici Carlos ! » lui répondis-je en souriant
« Je suis heureux qu’elle vous plaise. » nous dit-t-il en relevant un peu la tête. Il a l’air fatigué !
« Et vous, qu’avez-vous fait aujourd’hui ? »
« Je vais avoir besoin de ciment pour faire un petit muret, alors je suis allée chercher du sable » me réponds-t-il en pointant son seau du doigt.
Effectivement, il y a un petit tas de sable dans un coin du terrain. Attendrie, je l’imagine peiner toute la journée à ramener ces quelques seaux avec son petit bras malade.
« Qu’est-ce que vous vous en occupez bien de votre terrain Don Carlos ! Reposez-vous, on ne va pas faire de bruit. » dis-je d’un ton plus bas.
« Merci mes petits, que Dios los beniga (que Dieu vous bénissent)» nous souhaite-t-il alors, en retournant dans les bras de Morphée.
Nous grimpons tous les quatre dans nos hamacs. Amandine a regretté de dormir sur des planches l’autre nuit alors elle s’est dit que d’être en boule dans un hamac ça ne pouvait pas être pire ! Chacun a trouvé sa position la plus confortable et, ainsi bercés par le roulis du hamac, le chant des grillons et les belles histoires d’aujourd’hui, nous rejoignons tour à tour Carlos dans un sommeil profond.
19 février
Plusieurs décisions à prendre lors de notre RDV politique quotidien, ayant lieu durant le petit déjeuner.
« Alors, quelle est votre dernière volonté ? » inaugurais-je le débat, en sirotant mon café. Aujourd’hui c’est notre dernier jour sur la côte. Après quoi nous commençons notre descente en sauts de puces jusqu’à Bogota, à 700 kilomètres d’ici.
« Les guides vont nous le dire » me réponds Amandine, en ouvrant un des deux bouquins
« On pourrait aller à Barranquilla voir le Carnaval ! » lance Yo. Cette idée semble plaire à tout le monde. Bien que Barranquilla nous impose 2 heures de route supplémentaire au-delà de Santa Marta, où il nous faudra revenir prendre le bus ce soir, c’est le troisième carnaval le plus connu au monde, après Rio et Venise, nous ne pouvons pas manquer cette occasion !
« Moi ça me va, je voulais justement faire de belles photos, … mais il faut partir maintenant » rétorque Fred en consultant sa montre.
Nous sommes prêts à nous exécuter quand le propriétaire du café, cette charmante petite cabane en bois faite de 4 planches et ombragée à l’aide d’une grande bâche, nous informe que le carnaval ne commence que la semaine prochaine. Son café nous montre à quel point la vie est paisible sur les Caraïbes. Il fait beau toute l’année, il n’y a pas besoin de grand-chose pour vivre, ça fait un sacré tracas en moins.
Devant la troupe déçue je reprends le débat
« Bon faut pas s’en faire il y a des tas de choses à faire ici. Moi je propose d’aller au Parc National des Flamands roses ou d’aller voir le désert de sable »
Ils sont dubitatifs. Ça fait plusieurs jours que je les tanne avec mes flamands roses.
« Allez quoi, on a fait aucun Parc National quand même. Le Tayrona est fermé, on peut au moins profiter d’un autre ! » suppliais-je alors.
Amandine et Yo sont sensibles à mes arguments.
Fred ne se prononce pas encore, il reprends sa voix de maitre du temps et plonge à voix haute dans ses calculs:
« Mmh, les Flamands roses c’est à 1h d’ici et le désert de sel. »
« 2h je pense. »
« Ok » reprends-t-il, avec ces éléments en main. Admettons que nous allons au plus proche à une heure de route, mais on connait les transports, mieux vaut prévoir deux heures... Il est 9h.... Si on part à 10h ça nous fait du 12h là-bas. Mais si on veut prendre le bus de San Gil ce soir à Santa Marta, à 3h d’ici, en visant d’être au Terminal à 19h puisqu’on ne sait pas à quelle heure part le bus, ça fait du 16h, avec une heure de marge pour récupérer nos sacs ça fait 15h donc il faut partir des Flamands roses à … 13h. »
Fred prends toujours trois fois plus de marge qu’il n’en faut. C’est sûr que, par rapport à moi qui grignote jusqu’à la dernière minute, au moins il fait contre balancier.
« Oui bon n’exagérons rien quand même. » rétorquais-je, un peu vexée de la sévérité de ses calculs. « Au moins on fait quelque chose de bien de notre journée ! » dis-je en me tournant vers les deux autres.
Yo et Amandine doivent trancher face à l’ange et au démon (je me demande bien qui est qui ?)
« Si on ne loupe pas le bus de ce soir moi je veux bien » commence Amandine.
« Moi tu me connais, je suis toujours partant ! » poursuit Yo, notre réaliste-optimiste.
Youpi, c’est gagné ! Vamos ! Remos arriba !
Ainsi nous prenons un bus à la volée sur la grande route fuyant vers le Vénézuela, dans le sens le plus opposé de notre destination du soir. Nous pénétrons dans le département de la Guajira, zone géographique caractérisée par son désert et ses grandes dunes de sable, s’étalant de part et d’autre de la frontière. C’est la terre des Wayuu, le groupe indigène le plus connu en Colombie pour le commerce de mochilas en laine de mouton. Le bus nous dépose au beau milieu de la grande route. Le paysage est extrêmement plat et aride, il n’y a pas une touffe de végétation pour nous faire de l’ombre sous ce soleil de midi (il est 11h) mais pas une minute ne passe avant que deux hommes nous rejoignent à moto, un jeune, la trentaine et un plus costaud environ la cinquantaine. Je comptais me rendre à pied au Parc National mais ils nous proposent de nous y emmener à deux sur une moto pour $2.000. Nous nous laissons volontiers tenter et la visite commence sans que nous nous en rendions compte.
Une dizaine de kilomètres nous séparent de la plage. Nous voyons apparaître des marais salants et passons à côté des Rancheria, les habitations Wayuu cerclés par des clôtures en cactus. Je regarde du coin de l’œil : les Wayuu n’aime ni les touristes, ni les nationaux. Le Parque Nacional de Los Flamencos protège une vaste lagune d’eau salée où des milliers de Flamands Roses passent leur temps à picorer des crevettes et des petites algues leurs donnant cette jolie pigmentation rose. En avril, lorsque la saison des pluies bat son plein et que la lagune rejoints la mer, faisant à l’occasion le plein de crevettes, ils migrent dans le désert de sel où ils couvent leur petit en haut de nids en forme de tour atteignant plus d’un mètre de haut.
Au bord de la plage quelques cabanes à la construction similaire au café du matin font face au vent. A peine descendus de la moto, notre chauffeur Michael change de casquette et nous propose ses services de guide : « Si vous voulez on peut aller voir les flamands roses » nous invite-t-il dans un sourire chaleureux.
« Combien tu nous prends ? » commençais-je alors à négocier
« C’est $20.000 par personne. »
« Tu nous le laisse à $15.000 ? »
Michael hésite sincèrement, pas de l’hésitation du négociant mais de l’hésitation qui dit « Est-ce que ça vaut vraiment la peine. » Je regrette déjà d’avoir demandé. Il accepte.
Nous nous tournons vers l’autre chauffeur. « Non c’est bon vous me paierez au retour. »
« Ok, merci Monsieur » lui répondis-je, en rejoignant mes copains par la pensée « Dis donc, ils sont confiants par ici ! »
Nous voilà tous les cinq sur une barque, rejoint par un membre de plus pour la journée : une charmante colombienne botaniste répondant au nom de … Désirée
Notre petite barque vogue gentiment sur l’étang cerclé de mangroves en direction des flamands roses, encore invisibles pour le moment. La brise, bien que légère, suffit pour faire gonfler la voile rouge faite maison. Michael est à la barre, Amandine et Fred sont à l’arrière, Yo est devant moi, il admire le paysage. Désirée, en ce jour bien nommée, se retrouve donc au milieu de cette troupe de Français et je ne peux m’empêcher d’échanger avec elle. Qu’est-ce qu’une jeune femme peut bien faire toute seule par ici ?
« Je fais un travail de terrain en biologie pendant 4 mois. » me réponds-t-elle, pas peu fière, en arrangeant son voile qui la protège du soleil.
« Tu as donc rencontré les Wayuu ? » m’empressais-je alors, avide d’en apprendre plus
« Oh oui » s’esclaffait-elle alors « Le plus gros de mon travail consiste justement à étudier la faune et la flore sur leur propriété. Hier ils ont dû abattre un jaguar qui est venu chasser chez eux, c’était tellement triste.» Son regard s’est éteint, la scène l’a visiblement affecté.
Michael nous écoute sans piper mot alors que mes compagnons, bercés par nos conversations en espagnol, se perdent dans le paysage. De temps à autre je joue les interprètes et leurs traduis les passages les plus pertinents pour que, eux aussi, soient plongés dans la culture et la vie locale.
« Oui mais ils le mangent n’est-ce pas ? » rétorquais-je, en pensant qu’il ne s’agit pas d’un gâchis total.
« Bien sûr » confirmait-elle alors, « mais tu sais que le Jaguar est en voie d’extinction… » déplorait-elle ensuite.
Le jaguar est un animal sacré dans les cultures indigènes. S’ils l’ont tué c’est qu’ils étaient en danger. C’est un des animaux les plus représenté dans les poteries, les figurines, les illustrations (les autres animaux les plus représentés étant la grenouille, la chauve-souris, le serpent et l’aigle). Il représente la force et la férocité. D’ailleurs « Kogi », en langue Kogi, veut justement dire « Jaguar ». Vous rappelez-vous du mythe (ou de la réalité) d’un groupe indigène du sud du pays qui a la capacité de se transformer la nuit en Jaguar ?
Je décidais alors de plaisanter, pour lui enlever ce massacre de la tête :
« Et alors Désirée, tu as du sacrément être désirée par les hommes Wayuu ? »
« Ouh, m’en parle pas ! Il m’en donnait des millions et un beau troupeau de chèvre ! »
« Pour t’acheter ?! » m’esclaffais-je alors, incrédule « Comme en Afrique ! »
« Tu parles, ce sont des sacrés négociants ! Tout se vends chez eux, même les femmes !»
C’est alors que nous entendons la voie de Michael, depuis l’arrière de la barque
« Moi, une fois, je suis tombé amoureux d’une Wayuu » agrémenta-t-il la conversation, les yeux pétillants.
C’est alors que j’activais automatiquement mon mode interprète pour traduire en live à mes compagnons le début de son récit. Désirée et moi nous étions alors tournées vers lui, faisons dos à la voile et aux flamands roses toujours invisibles, buvant son histoire d’amour. (Des vraies filles !)
« Je devais avoir 15 ans quand je l’ai rencontré. Elle était magnifique. Nous nous voyions cachés jusqu’à ce que son père apprenne la situation. Dès lors j’ai dû lui rendre visite à la rancheria, mais sa famille ne me faisait vraiment pas un bel accueil. Entêté, je continuais à aller la voir autant que possible. Nous nous aimions. » se souvenait-il à voix haute. « Jusqu’au jour où son père ne supporta plus la situation. »
« Si tu veux ma fille, elle t’en coûtera 3 millions de pesos, 30 chivos (chevreaux) et deux chaines en or » l’imitait-il.
« Dans la culture Wayuu, le père fixe le prix de sa fille. Une fois la dote payée, le mari doit héberger la fille sous son toit. Elle quitte alors le clan » précisait Désirée. Puis à Michael « Dis donc c’est un sacré montant ! »
« C’est que je n’ai pas choisi n’importe quelle fille, j’ai choisi la fille du cacique (le chef du groupe) » confiait-il, gonflé par la fierté. Ces yeux miroitaient.
Désirée et moi ne pouvions retenir un long « Wouah », impressionnées.
« J’étais jeune mais je ne me suis pas démonté. J’ai de suite été parler à mon père, l’autre homme de la moto » nous précisait-il pour mieux nous représenter la scène.
« Il m’a demandé combien j’avais. Je lui ai dit que j’avais $90.000 pesos. Plein d’espoir je lui ai demandé combien il avait, il m’a répondu qu’avec le travail en barque que nous faisons aujourd’hui, il avait $150.000 pesos. J’étais désespéré. Le cacique avait fixé le prix, jamais je ne pouvais acheter ma belle Wayuu. Sans compter que nous n’avions aucun chivo, et encore moins de chaine en or ! » plaisanta-t-il en se souvenant.
Nous étions pendues à ses lèvres.
« Et ensuite ? » nous l’encouragions
« Mon père s’est souvenu qu’il connaissait un Wayuu qui fait le lien avec le village. L’homme en question, bien plus au fait du niveau de vie des colombiens, s’est entretenu avec le cacique. »
« Et alors ? »
« Et alors, un beau jour, le cacique m’a dit d’emmener sa fille dans un endroit sacré, où personne ne saurait où nous trouver et où nous devions survivre sans rien pendant une semaine. Si nous revenons ensemble, c’est que nous sommes fait pour être mariés. »
« Alors, alors !! » nous le pressions pour qu’il dévoile son histoire
« Alors j’ai aujourd’hui deux enfants avec ma Wayuu ! »
« Ooooh ! »
« Quel happy end ! » s’exclamait Désirée
« Oh non c'est trop mignon ! » m'émotionnais-je comme une vraie dame d'honneur
Michael affichait un sourire radieux. Depuis plus de 10 ans sa femme et ses enfants faisaient de lui un homme heureux.
Nous témoignons d’une histoire si touchante, portés par la brise sur notre barque, que nous nous rendions à peine compte que derrière nous apparaissait une étendue de flamands roses qui prenaient leur envol flamboyant à notre arrivée !
Au retour Michael a dû baisser la voile et pousser notre barque à l’aide d’un grand bout de bois planté dans le fond vaseux de l’étang. Parfois il préférait même pousser la barque, en se coupant la plante des pieds avec les coquilles de coquillages et de crabes. Fred, enthousiaste, l’a aidé à nous pousser avec un second bâton. Michael a grandement apprécié son geste et nous taquinions Fred, le voyant peiner à pousser
« Dis donc t’aurais pas dû proposer ton aide si tôt parce que maintenant ça ne se fait plus d’abandonner ! » riait Amandine
« Allez Fred, plus qu’une demi-heure comme ça ! » l’encourageais Désirée
« Fredo c’est super vous avez dépassé la barque d’à côté ! » l’encourageais-je à mon tour. Puis à Michael « ça t’aide vraiment ? »
« Oh que oui ! » répondait-il, reconnaissant.
Alors c’est sûr, maintenant Fred ne peut plus abandonner jusqu’à l’arrivée.
« C’est dur ? » reprenait Amandine 15 minutes plus tard
« Tu parles que c’est dur ! » confiait-il essoufflé « ce mec c’est un mutant ! Il dit rien mais il doit avoir des bras de fou… et une sacrée corne sous les pieds ! »
En approchant du rivage nous apercevons des crabes bleus à grosse pince se faire la malle devant nous, en nous dressant la pince comme des boxeurs!
« Ceux-là, s’ils te choppent ils doivent te laisser une sacré marque » rigolait Yo en descendant de la barque à la hâte, en espérant ne pas se faire pincer
« Vous pouvez aller manger un plat de crevette chez mon oncle avant de repartir ! » nous recommandait Michael en pointant une des cabanes en bord de mer. Ce que nous fîmes. C’est vrai que l’heure tourne et je n’ai rien vu, ça fait deux heures que nous étions sur l’eau.
Sur le rivage des hommes pêchaient selon l’art Wayuu : en jetant un filet de pêche en forme de cercle, entouré de galets afin qu’il tourne et dans l’élan, se referme au plus vite sur sa prise. Nous nous détenons pour les admirer. Les hommes sont doués d’une habilité époustouflante. Je n’ose pas imaginer avec quelle grâce nous, nous nous enchevêtrions dans le filet lors du lancer !
Nous dégustons nos crevettes dans le vent, en regardant les vagues des Caraïbes. Trois enfants viennent nous voir pour nous vendre des petits bracelets tressés. Le plus grand doit avoir dix ans, vends les siens, qui sont pourtant plus élaborés, au même prix que ceux de son cousin, 7 ans et de son frère, 5 ans. Mais il y a tout de même une logique dans tout ça. Le plus grand se présente en premier, timide, suivit des deux plus jeunes qui se cachaient derrière lui. Ils ne savent pas comment nous parler … parce qu’on est blanc. Je le soulage en entamant la discussion en espagnol, puis plaisante un moment avec eux.
« A combien tu vends ton bracelet ? » m’informais-je auprès du plus grand
« A $3.000 »
« Et toi ? » enquêtais-je alors auprès du plus petit ?
« A $3.000 » affirmait-il de son ton le plus ferme
« Ah bon ? Mais le tient il a plus de matière et il est plus construit, alors pourquoi tu le vends pas plus cher ? » m’adressais-je au plus grand.
« Ben parce qu’on met le même temps à faire un bracelet ! » me répondait-il de toute évidence !
J’achetais donc un bracelet au plus petit, qui manqua de se faire piquer son butin par son cousin mais ne démordit pas jusqu’à ce qu’on lui rende son gain ! Puis, l’affaire réglée, tous trois partir courir dans les vagues pour célébrer la vente ! Ça commence tôt le marché du travail !
Quant à nous nous repartions à trois à califourchon sur nos motos, conduit par Michael et son père.
« Non, c’est 7.000 le bus alors pourquoi vous ne voulez 15 ? » s’indignait le père de Michael face au garçon du bus qui doublait le tarif pour nous.
« C’est en vous comportant comme ça que vous nous donnez une mauvaise image ! » continua-t-il. Puis à moi, de sa voix paternelle « Donne lui en 28, pas un de plus ! »
Nous les remercions tour à tour chaleureusement. Je payais Michael de son juste salaire : les $20.000 pesos par personne étaient largement mérités au prix de ses gros efforts physiques, puis nous grimpions à bord du bus sans les quitter du regard en agitant les mains pour leur dire au revoir. Ce sont de loin les hommes les plus bienveillants que nous ayons pu rencontrer.
Lorsque nous revenions chez Carlos pour récupérer nos sacs, il était assis à l’unique table en bois qui meublait son terrain. Il avait l’air concentré.
« Don Carlos ! » m’exclamais-je, bien contente de le retrouver aussi attendrissant que d’habitude ! Le tas de sable avait légèrement grossi.
« Que faites-vous donc cette fois-ci ? » le questionnais-je
« J’apprends l’anglais regarde ! J’ai entouré ce que je dois savoir pour accueillir les gens comme vous. Alors voyons » commença-t-il pour réciter. Je me penchais par-dessus son épaule pour voir son travail. Il avait entouré trois phrases dans une longue liste.
« Voilà celles que j’ai jugé les plus utiles : « Goud morrrning », « Rello » et « Slip Wèl » » lisait-il avec son accent natal
« Super ! » l’encourageais-je alors « Après il vous faudra répondre à « Where is the beach ? » continuais-je pour le taquiner
« Ware iz ze bich » répétait-il alors, en me tirant le bras pour prendre place à côté de lui sur le banc. Déjà il cherchait ce nouveau mot « la plage », dans sa longue liste de vocabulaire publié dans une gazette locale.
C’est ainsi que nous quittons Carlos, sous ces bénédictions, les terres indigènes, la Guajira et les Caraïbes. Nous prenons le bus dans la soirée pour San Gil, la capitale du sport d’aventure située dans le département du Santander, à 12h de bus de Santa Marta.
Moi qui dédaignais les Caraïbes, moi qui affirmait que « La Colombie ce n’est pas les Caraïbes, c’est la montagne, la végétation, l’altitude et aussi le Pacifique. » et bien je repars avec mes à-priori bouleversés. La côte Caraïbe colombienne est un territoire colombien à part entière, elle contribue à sa richesse culturelle et à sa biodiversité. Ce sont des terres historiques, l’entrée des Colons, le théâtre du temps de massacre et le symbole d’une incroyable résistance de la part des Indigènes qui nous considèrent aujourd’hui comme « des petits frère ». Devant une telle sagesse on se questionne sur notre comportement occidental, parfois futile, de gens « civilisés » qui ne respectent plus rien.
Une belle leçon de vie.
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