Dia 10 : vendredi 10.11.17
Le projet du jour : les cascades de San Felipe sur le versant nord du volcan de las Galeras (4276m), à côté de Pasto. La dernière est équipée mais 4 autres en amont, dont une de 70m, n'ont jamais été descendues. Nous avons donc refait la route en sens inverse la vieille au soir pour retrouver Tarik. Ce dernier nous accueille chez lui, dans son petit appartement qu'il partage avec ses enfants. Tarik est un véritable chasseur de canyons, il connaît tous les cours d'eau de la région (enfin presque...) et il est d'une générosité incroyable. Ce vendredi matin, avant d'aller travailler, il nous dépose tout au bout de la piste menant aux cascades du jour ! Nous récupérons au passage Luis, un ami à lui qui connaît les forêts du volcan par cœur et qui nous guidera jusqu'à la plus haute cascade de cet encaissement, 1000 m sous le cratère de Las Galeras ! Quelques points négatifs à cette organisation : un réveil beaucoup trop tôt (5h00), pas de temps pour le café, pas de vrai petit dej' non plus et presque rien à manger pour le midi puisque tout est encore fermé à l'heure du décollage... Autant vous dire que la mise en route, chargés comme des mulets et droit dans le pentu, est plus que raide pour les organismes !
Mais après une heure de marche en pente raide le sentier devient bucolique, suit un petit canal et s'enfonce dans une forêt verdoyante ! La balade devient magique sous ces immenses arbres recouverts de mousse... Plus nous montons, plus la végétation est humide et le décor féerique. Bien que nous n’avions rien repéré visuellement du canyon, nous fixons notre objectif aux deux cascades les plus en amont du canyon. Nous avions prévu d’entrer à ce niveau-là, mais les cascades ne sont pas comme prévu. Nous stoppons notre ascension à cet endroit féerique. Maintenant il faut choisir. Mais quoi qu’il arrive, rien que la marche valait le coup d’arriver jusqu’ici.
Si nous entrons dans le cours d'eau à ce niveau-là, il y a de grandes chances de finir tard à la frontale. Même si, d'après Tarik, 2 belles cascades nous attendent encore, elles sont visiblement séparées par de longues parties plates de progression, certainement fastidieuses. On veut bien jouer de la machette mais bon… Nous choisissons de faire demi-tour. Après 2 bonnes heures de marche, nous redescendons donc pour rentrer dans le canyon un petit peu plus bas... Encore plus bas ? Toujours plus bas ?? Au final nous ne pouvons plus trop rentrer dans le canyon, la végétation et le relief nous barrent l'accès, nous aurions dû rentrer plus haut... 5h de marche pour finir sur une énorme déception, alors que nous y étions. Quoi faire ? Remonter ? Abandonner ? Encore une nouvelle frustration à encaisser !
Prenons du recul : ce sont les aléas des ouvertures sans repérage, non ? Au moins, les combi restent sèches et à balader toute cette ferraille, le perfo et ses batteries, et plus de 200 m de cordes on se met grave la caisse ! On se console comme on peut, et j'essaie de remotiver les troupes !
Et si nous allions repérer autre chose, histoire de ne pas complètement perdre la journée... Fred insiste : il a repéré hier soir avant de se coucher un vallon qui pourrait bien valoir des points. C'est de l'autre côté de ce volcan ! Allez vamos... Nous n'avons rien à perdre !
Quel bonheur une fois sur place : le bassin versant est monstrueux, la quebrada de Yambinoy est une petite rivière qui s’encaisse et attise notre curiosité. En amont de la route, la grande cascade de Guilque est très connue, en aval personne ne sait... Mais ça à l'air de s'encaisser, un petit mètre cube d'eau glisse sur une belle roche compacte... De plus près, c'est super excitant ! Ce repérage fait l'unanimité et transforme cette journée galère en une belle promesse d'ouverture... Merci Fred pour cette belle trouvaille. Nous pouvons entrer dans l'eau facilement quelques mètres avant l'encaissement mais pour en sortir ce sera une autre histoire... Mais ça passe, c'est sûr, et ça à l'air dément ! On y va quand les copains ?
Dia 11 : samedi 11.11.17
Aujourd'hui ! La météo est parfaite, la nuit fut bonne et reposante pour tout le monde. On prend le petit dej' chez Tarik... Vous les connaissez, ces matins où, dès le réveil, vous ressentez de bonnes ondes et vous imaginez la belle journée qui vous attend ? Et bien je ressens cette énergie ce matin. Je sais pas pourquoi mais je sens que nous allons vraiment nous faire plaisir !
Tarik junior nous accompagne aujourd'hui. Son père, qui doit malheureusement travailler, nous amène au plus près de l'entrée dans Yambinoy. Derrière ces lunettes noires, il verserait bien quelques larmes de déception : ce super chasseur de canyon sent bien qu'il va rater quelque chose... Nous nous équipons sur le bord de la route et nous rejoignons la rivière... Le débit a un peu baissé : nous l'estimerons à environ 600 L/s ! Parfait pour bien s'amuser, sans se faire peur... Et c'est parti !
Fred a trouvé ce canyon. Il lui revient donc de droit de l’équiper, et il ouvre naturellement la marche. Je le suis de près pour le seconder, acheminer les cordes et le matos nécessaire, et aussi ouvrir grands mes yeux de jeune padawan. Tarik junior suit aisément et accompagne Anaïs, qui ferme la marche, en déséquipant et faisant la topo en direct de ce nouveau canyon ! Qu'est-ce que nous aimons inventer ces nouveaux itinéraires !!!
Cette organisation s'est mise en place toute seule, dès le premier obstacle sur amarrage naturel, sans se concerter particulièrement... Comme une évidence, j'adore ! Et nous enchaînons : au deuxième ressaut, nous rentrons dans le vif du sujet ! La roche est parfaite, les deux premiers gougeons sont calés, la dyneema les relit et le maillon rapide n'attend que notre corde ! Ça pousse dans ce premier petit ressaut de 5m qui déverse sur un autre de 30m... Pas de frottements dangereux, on enquille !!!! En bas ça s'enchaîne... Très vite une autre verticale, et ainsi de suite pendant 2h. Tout se déroule tellement bien que nous prenons même le temps de prendre une photo au niveau d'une immense vasque, au pied d'une rajole d'une trentaine de mètres, que nous évitons par précaution en descendant hors actif... On laisse au passage 2m de corde dans la vasque intermédiaire de cette rajole (coincement lors du rappel de corde), mais ça aurait pu être pire ! En tout, sur 200m de dénivelé, nous équipons 8 relais, tous différents, ce qui me permet personnellement d'apprendre différentes techniques d'équipement, en fonction de la configuration des ressauts ! Dans la partie inférieure, plus plate, les désescalades de blocs sont glissantes mais marrantes... Dommage qu'aucune vasque ne permette de se lancer dans les toboggans, surtout avec ce débit, ça aurait été trop parfait ! Le denier ressaut de 6m se saute parfaitement, histoire de finir cette descente majeure en beauté ! Quel bonheur et quelle satisfaction d'ouvrir un tel canyon !
On sort en rive droite où nous attend une remontée bien raide, à travers champs et fincas, jusqu'à la route de départ. La marche retour fait chauffer les mollets mais l'environnement est magnifique, ces montagnes sont vraiment incroyables ! Nous remontons sur la crête, en pensant devoir la suivre pour récupérer la route et ainsi trouver un moyen de redescendre au village. Mais ce dernier nous tend les bras une fois au sommet de cette pente raide recouverte de végétation ! Il ne reste plus qu'à redescendre dans sa direction ! Avec la neige qui est tombée en abondance sur nos massifs français, hé oui nous ne sommes pas totalement déconnectés, les pentes vertigineuses qui nous entourent nourrissent en nous des envies de pur freeride... Mais retour à la réalité : nos sacs font 20 kilos, la température dépasse les 30 degrés, et ici, à plus de 2000 m d'altitude, la neige n'existe pas ! Beaucoup plus réaliste, un méga jus de fruit frais de lulo (goût kiwi) nous attend au village de La Florida, après un peu plus de 2 heures de marche retour ! Voilà, nous y sommes : cette vraie et belle ouverture est enfin actée. Une journée parfaite tout simplement, et ce soir malgré la fatigue, nous avons tous les 3 les mêmes mots à la bouche... On aimerait faire ça tous les jours, quand est-ce qu'on remet ça ? De nombreux projets nous attendent encore et vous pouvez nous faire confiance, nous allons profiter de cette bonne dynamique !!!
Dia 12 : dimanche 12.11.17
Le dimanche en Colombie c'est sacré ! Tout le monde met ses plus beaux habits (ou sa tenue de vélo) et profite à sa manière du repos hebdomadaire, en famille, entre amis (ou sur son vélo). Nous ? Naturellement on enfile les combis, mais pour une classique cette fois, et en famille aussi ! Revenus à Buesaco la veille au soir, nous laissons toute la ferraille à l'hôtel et le perfo se reposer un peu pour une sortie dominicale dans le canyon de Tarik Makuk, avec Tarik, ses enfants Tarik junior et Brisbi, Miguel et Juan Luis (un canyoneur Espagnol)... Un bon petit groupe réuni pour descendre le « canyon le plus joueur du pays ».
Ouvert et équipé il y a quelques années pas Tarik père lui-même, ce canyon est une grande fierté pour la famille. Malheureusement la belle équipe initialement prévue s'est vue réduite ce matin même à... Miguel ! Tarik en bon père de famille a choisi de s'occuper de sa fille malade, Junior ne peut plus marcher à cause du canyon de la veille, et l'Espagnol décline l'invitation au dernier moment. Miguel, quand à lui toujours motivé, arrive un peu en retard. Et pour cause, il n'a quasiment pas dormi de la nuit ! Les Colombiens font la fête sans limite le weekend et hier soir notre ami est visiblement tombé dans un guet-apens... Vu ses petits yeux et sa joyeuse gueule de bois, je pense que nous allons bien rigoler !
Malgré la fatigue Miguel nous transmet tout son savoir en matière de faune et de flore ! Mieux qu'une encyclopédie, Miguel nous régale du nom de chaque plante rencontrée, et possède un instinct incroyable pour repérer les petit animaux qui nous entourent. Se balader à ses côtés n'est jamais monotone, croyez-moi ! Les fils de costales (servant à faire les sacs de transport pour le café) proviennent du cabuyo (une grosse plante qui ressemble à l’Aloe Vera), on peut boire et voir des grenouilles dans les vicundos, le matico est une petite plante anesthésiante qui endort la langue, les nuées de loros (perruches) au vert flamboyant se nourrissent des fruits de l'arbuste uñas de gato et nous avons la chance de goûter au fruit rose fluo à la texture gluante des cactus...
Après 1h30 de marche et une bonne bartas dans les épines, nous nous engouffrons donc dans ce canyon dessiné dans sa première partie dans du calcaire, puis ensuite dans une sorte de granite ! Les premières grandes verticales sont l'occasion de partager à notre tour nos connaissances avec Miguel et notamment le système débrayable avec huit en butée. Notre ami est très attentif et assimile très vite la technique ! Nous trouvons ensuite un encaissement bien sculpté, à la fois technique et ludique. Les rappels sont magnifiques, de jolis toboggans sont creusés dans la roche, et quelques vasques donnent bien envie de sauter... Dommage qu'elles se soient aujourd'hui engravées ! Dommage aussi que l'eau soit si trouble et marron ! Malheureusement en Colombie, l'écologie et la protection de l'environnement ne sont pas dans les priorités des habitants et encore moins dans celles des fincas qui se trouvent en montagne près des torrents ! C'est pourquoi nous trouvons souvent une eau trouble et plus ou moins polluée... On s'y habitue et on se concentre pour ne pas trop boire la tasse ! Ce serait plus simple si nous savions marcher sur l'eau comme le basilico... Justement un de ces gros lézards nous devance et nous accompagne durant quelques ressauts ! La classe...
Dans l'enchaînement final Il ne faut pas rater la dernière vasque : le canyon se déverse directement dans les rapides du Juanambu... Avec l'aide de locaux sur l'autre rive, nous installons une tyrolienne pour traverser le collecteur (grosse rivière) ! Cette belle journée de "repos" se termine dans le vortex du parc Juanambu où le temps s'arrête, et où l'on se régale une nouvelle fois de bons petits plats locaux !
Et demain... Vous savez quoi ? Nous reprenons tout notre outillage pour une petite ouverture qui nous trotte dans la tête depuis notre arrivée ici !