Dia 13 : lundi 13.11.17
À chaque fois que nous nous dirigeons en direction du cañon de Juanambu, nous apercevons sur notre route un petit enchaînement de cascades : la quebrada de San Pedro ! Lors de notre premier repérage ici, sur la seule piste traversant les vallons du río Juanambu, nous avions coupé ce torrent et depuis le petit pont observé son débit et son petit encaissement. La roche nous intrigue. Elle a l’air bien solide. Nous ne pouvions pas partir de Buesaco et de cette magnifique région sans
aller voir San Pedro de plus près, en espérant bien trouver un encaissement et y caler deux ou trois gougeons !!!
Comme d'habitude Miguel est motivé et attends patiemment que l’équipe émerge. Ce matin-là, on ressent un peu la fatigue de ces longues journées de marche, de plan A, B, C et de canyons ! En plus de ça, la petite pension qui nous héberge, et où nous étions seuls au monde, a essuyé un raz-de-marée festif tout le week-end... C'est si calme la semaine, le contraste est impressionnant ! Ce matin-là, on arrive à gratter une petite heure de farniente en plus, mais rien n’y fait, à 6h30 nos corps veulent se lever !
Au niveau du pont, comme à chaque fois, l'envie de remonter un peu plus le canyon nous submerge (juste au cas où...) et nous gagnons quelques précieux mètres de dénivelé en nous faufilant à travers les champs de café ! Le temps pour Miguel de nous régaler une nouvelle fois de ses connaissances en botanique : nous élucidons ainsi le grand secret de la firme multinationale "Goretex" et de l'imperméabilité de ses vêtements hors de prix. Leur inspiration viendrait d’une petite plante généreusement offerte par la nature, la boré, dont les feuilles sont complètement imperméables à l'eau ! L'écoulement de la pluie à sa surface est un véritable moment de contemplation ! Entre milles et une espèces, nous découvrons également l'achiote, une petite boule piquante ressemblant à la bogue d'une châtaigne, mais qui renferme des graines très friables, à la couleur et aux propriétés similaires à celles du safran.
Après une demi-heure de marche, le faible dénivelé gagné laisse à penser que nous ne gagnerons pas grand-chose à avoir pris la peine d’être remontés, si ce n’est de nous émerveiller des curiosités de la nature aux côtés de Miguel. Pourtant, à notre grande surprise, la partie supérieure s’encaisse… dans du marbre ! C’est plutôt peu commun. Fidèle à elle-même, la noble roche provoque d’ailleurs quelques zipettes incontrôlables, dont Miguel est le premier à en souffrir avec ses chaussures de canyoning locales. L’amont est encaissé et plutôt joueur, avec quelques sauts et toboggans nous imposant de mettre la tête dans cette eau toujours trouble ! Il faut d'ailleurs s'en méfier et sonder chaque ressaut car de nombreux blocs se cachent dans nos vasques marrons, et pourtant si tentantes ! Quelques ressauts délicats auraient même mérité un équipement mais nous choisissons d’aller au plus simple et de descendre amarrés les uns aux autres.
Nous passons sous notre pont, et entamons la partie inférieure. Des petits poissons sauteurs nous chatouillent les mollets, Fred arrive même à en choper un à la volée ! Cette partie aval est moins encaissée mais nous y trouvons les plus grands obstacles, notamment un rappel dévié d'une vingtaine de mètres, un joli saut, un toboggan super fun et un rappel presque cavernicole, esthétique mais trop court !
A mon tour de tâter le perfo en Colombie ! Verdict : un foret en moins... Le marbre, très dense, fait littéralement fondre un premier foret et attaque le second... Heureusement, nous sortons après ce dernier ressaut, avant que le canyon se jette dans le río Juanambu ! Nous avons pris le temps dans cette sympathique ouverture... Le retour sur la piste, bien que raide, est plus facile qu'on aurait pu l'imaginer. Voilà une nouvelle mission accomplie...
Dia 14 : mardi 14.11.17
Aujourd’hui on s’attaque à un nouveau secteur, à seulement deux heures de route (soit disant…). Le premier et seul bus direct pour la Cruz et les eaux chaudes de Tajumbina est beaucoup trop tôt à notre goût (5h30). Nous préférons un réveil en douceur, et subissons pour la suite de la journée une incroyable variété de transports pour atteindre la mythique cascade de Tajumbina. Notre cascade a creusé, d'après les photos, une faille très encaissée qui évidement attire notre attention ! Malheureusement notre choix de ne pas prendre ce premier bus nous contraint à 4 changements pour atteindre notre objectif (Buesaco, La Union, San Pablo, La Cruz, et enfin Tajumbina). Dans le village de La Cruz, Anaïs et moi goûtons à un boudin végétal sur la bourdonnante place du marché : une sorte de boyau farci de divers légumes (trop rares ici) qui illumine nos papilles. Les deux dames vendant ce véritable régal gustatif à emporter ont l'air de parler une autre langue... Je ne comprends quasiment rien : dans les campagnes ils mangent visiblement quelques mots et ont un accent vraiment particulier !
Finalement sur place à 15h, et sous une pluie battante, le repérage vire à la simple contemplation de cette très belle cascade… en crue ! Il pleut très fort, c'est compliqué d'aller voir l'encaissement de près. En une demi-heure sur place, le débit grossit et nous pousse à évacuer le centre des bains d'eaux chaudes (situé au pied de cette cascade) avant même de pouvoir y mette un orteil pour se consoler ! Le mauvais temps à cette altitude nous empêche également de repérer les reliefs alentours en quête de nouvelles cascades à descendre ! En pleine brume, nous nous rabattons donc sur la petite ville paysanne de La Cruz, jour de marché, où nous passons littéralement pour des extraterrestres !
Les gens ici, majoritairement d'origine indigène, ne voient pas beaucoup d'étranger. Cela ne fait qu'une petite année que la situation politique s'est apaisée dans cette région reculée, après une longue période de soumission aux guérillas. Alors trois gringos (étrangers) en Kway multicolores qui passent par ici, autant vous dire que nous sommes remarqués et observés ! Il y a clairement un décalage mais c'est plutôt drôle (enfin c’est eux qui rigolent de nous). Rien de malsain derrière leurs moqueries, nous sommes simplement considérés comme "différents" et suscitons donc la curiosité.
Nous profitons de cette fin de journée pluvieuse pour enfin reposer nos organismes. Nous dégotons un petit hospedaje avec une charmante petite cour en mosaïque. A notre grand étonnement, la chambre ne coûte que $9.000COP (contre $30.000 d’habitude). Résultat : pas de douche, pas de fenêtre !
Dia 15 : mercredi 15.11.17
Aujourd'hui cela fait un an que l'expédition Canyon y Machete est lancée ! Il s'en est passé des péripéties et vous en êtes les témoins privilégiés.... Une chose n'a pas changé : nous sommes toujours à la recherche de nouvelles cascades et de nouveaux projets d'ouverture.
Hier, en arrivant à San Pablo, comme un cadeau de la nature, ce n'est pas nous qui avons trouvé un canyon mais plutôt un canyon qui nous a trouvé ! En débarquant de notre minibus sur la place centrale, nous sommes tombés nez à nez avec un enchaînement de belles cascades surplombant la petite ville de San Pablo ! Et dans ce contexte de repérage délicat (forts niveau d’eau, lenteur, frustration générale…), nous ne pouvions pas rêver mieux ! Sacs sur le dos, nous entamons les 250m de dénivelé pour rejoindre le haut du canyon, par un petit sentier bien tracé, jusqu'à une finca qui semble abandonnée. Encore une fois, la partie supérieure, invisible depuis la place centrale de San Pablo est une belle surprise. Un estrecho sympathique dans un beau basalte compacte, qui nous rappelle la première ouverture de Canyon y Machete, Cruz Gorda.
Arrivés au cassé, en haut des verticales, notre roche compacte laisse place à une roche sableuse, comme du grès. La première belle verticale de 45m s’ouvre sur la vallée. Nous sommes étonnés de trouver une petite plaquette métallique « faite-maison » scellée au sommet et sur les premiers mètres de cette cascade ! Peut-être des anciens amarrages ? La roche est très abrasive et nous prenons toutes les précautions nécessaires pour épargner nos cordes (rappel fractionné et protège-corde). S'en suivent d'autres belles cascades et de nombreuses désescalades dans des blocs. Quelques amarrages naturels sont les bienvenus et nous aident dans notre progression vertigineuse jusqu'au village !
Nous atterrissons en plein cœur d'un petit quartier de San Pablo. Impatients de troquer les combis en Néoprène pour les crocs, nous sommes l'attraction de ce début d'après-midi pour quelques villageois. Et pour cause, à quelques mètres de leur maison, Fred et moi leur montrons (discrètement évidement)... nos fesses. Anaïs a, quant à elle, la chance d'être invitée à se changer à l'intérieur. Cette petite famille, hôte éphémère, nous offre généreusement un tinto (café) et un petit bout de pain ! Le temps d'un échange simple avec la population locale de ces campagnes si longtemps isolées.
Bien décidés à rejoindre La Florida ce soir pour enchaîner avec un nouveau projet d'ouverture voisin au Yambinoy (qui nous avait tant régalé), nos plans tombent vite à l'eau : plus aucun transport ! Pourtant ce n’est que 15h. Dernier bus parti à 13h, comme quoi il y a encore des traces du couvre-feu de 14h qui était en vigueur pas plus tard que l’année dernière. Avec de la chance, nous trouverons une camionnette à la sortie du village pour amorcer le retour... Autant vous dire que le stop en Colombie ne fonctionne pas vraiment ! Nous nous retrouvons 20 minutes plus loin, dans le village perdu de Florencia, d'où plus personne ne part, en tout cas personne qui ne veuille de nous ! La nuit tombe, un vieil homme (plutôt louche), voulant protéger son chien (plutôt louche aussi), échappe sa machette (ou la jette, on ne sait pas trop), en direction des autres agresseurs canins (cibles bien ratées), et manque de peu le mollet d'Anaïs avec le projectile ! Plus de peur que de mal... Mais je crois qu'il est temps de trouver un hébergement pour la nuit ! Nous hésitons entre le seul hôtel du village hors de prix, et des chambres bon marchés essuyant les allers et venues des "couples" voulant prendre du bon temps. Une de ces chambres est glauquement libre, l'autre le sera dans une trentaine de minutes (plus ou moins...). "Euh, allons à l'hôtel ce soir !" Fred négocie brillamment le tarif de la chambre et la navette pour La Union du lendemain matin... Le beau geste de la soirée !
Dia 16 : jeudi 16.11.2017
Nous prévoyons d’enchaîner le transport et le repérage du canyon de Barranco dans la même journée, ce qui, en Colombie, peut paraître très ambitieux ! Mais ce matin tout déroule, malgré les nombreux changements de moyen de transport. Nous sautons à l’arrière de la camionette à Florencia, rejoignons La Union, récupérons nos bagages laissés depuis quelques jours à Buesaco, repassons par Pasto, et sautons du mini-bus dans une nouvelle camionnette qui nous emmène enfin à La Florida. A 13h nous sommes déjà sur sa place centrale ! Très bonne performance qui vaut bien un arrêt à la cantine !!
Par contre nous étions un peu ambitieux pour trouver un endroit où dormir et poser nos lourds bagages dans cette petite ville. Tout le monde nous renvoie vers le seul hôtel à proximité, un haut de gamme situé à 15 minutes à pied du centre-village. Ce n'est pas du tout dans nos prix mais nous nous rendons vite compte que nous n'avons pas trop le choix si nous voulons être sur place pour ce projet ! Tant pis pour le prix, au moins nous aurons droit à une première douche avec de l'eau chaude. Les cheveux d'Anaïs en frisent encore...
Très vite nous prenons la direction du hameau de Maco et notre tuk-tuk dandine sur les dégâts de cette piste cabossée. Nous longeons notre nouveau canyon, il est vertigineux. Fred y a repéré divers encaissements qu’il nous faut étudier de plus près. Le débit à l'air énorme ! "Est-ce le débit normal ?" La dernière cascade du premier encaissement, aperçue au loin depuis la piste doit pouvoir se négocier mais il ne faudra pas mettre un orteil dans l'eau ! Lorsque le tuk-tuk ne peut plus progresser, nous finissons la piste à pied jusqu’à la fin du canyon, qui se jette alors dans le Yambinoy, bien en aval de notre superbe ouverture de la semaine dernière. Une bonne heure de marche et 500m de dénivelé plus bas, nous trouvons la grande cascade finale. Le débit est confirmé. Si les divers estrechos repérés sur internet sont très étroits, ils ne nous laisseront pas passer, à moins d’installer des main-courantes aériennes pour tout éviter ! Difficile d'en savoir plus ce soir car la brume monte et de gros nuages gris menacent au-dessus de nos têtes (et de nos cœurs…).
Nous rentrons avec de nombreuses interrogations concernant ce repérage. Mais l'envie d'aller ouvrir cette perle nous démange. « Au moins un petit bout ? Rien que le premier estrecho ? Est-ce que ça passe ? Le meilleur moyen de le savoir et d'aller voir, non ? » Dans tous les cas, nous sommes sûrs qu'il y a quelque chose d'intéressant dans ce vallon... Il nous reste à savoir si c'est le bon moment pour s'y engouffrer !